Moustiers
Sainte-Marie, Notre-Dame de Beauvoir, oratoires et chemin de croix.
" ... le
canton de Moustiers-Sainte-Marie, le plus célèbre de tous, possède
l'illustre chapelle de Beauvoir, en latin de bello visu,
sur la porte de laquelle se lit l'inscription : Belvisura vocor :
diffundit lumina nomen : Nostra lumina petens, nostra lumina petat -
qu'on a ainsi traduite :
- Je m'appelle en ce lieu la Vierge de Beauvoir.
- Pour répondre à mon nom, je répands des Iumières.
- Ceux qui pour leur salut veulent en recevoir,
- Qu'ils viennent en ce lieu m'adresser leurs
prières. "
(Notre-Dame de France, ou Histoire du culte de la sainte Vierge en
France - André Jean Marie Hamon, 1861-1866) .
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Ressemblant
à une crèche provençale, Moustiers Sainte Marie, connue et reconnue
pour ses céramiques, mérite bien son classement parmi les plus beaux
villages de France. Avant de revenir un jour pour un circuit plus long,
nous nous rendrons par un joli chemin en pas-d'âne jusqu'à la chapelle
de Notre-Dame de Beauvoir,
ou d'Entremont, que l'on aperçoit nichée entre les deux falaises et
dominant l'église paroissiale classée
monument historique. Puis direction la grotte Sainte Madeleine située à
peine plus loin.
" Puisse-t-elle servir un jour de point de départ à quelque plume plus
autorisée que la mienne pour découvrir la véritable origine de cette
fameuse chaîne qui fut suspendue dans les airs, ainsi que je l'ai
indiqué dans ma Notice historique sur Moustiers, publiée en 1874, à la
suite d'un vœu fait, on ne sait par qui, ni a quelle époque. C'était
en janvier 1793. Un émigré français perdu dans les profondes solitudes
des Basses-Alpes, errait sans guide depuis le matin, et nulle trace
d'habitation ne lui était apparue. Vers la fin du jour, il s'arrêta
brisé par la fatigue, épuisé par la faim. " ... (Les Blacas :
légende et documents - J.-E. Doste - 1876 ).
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Elle
attire forcément le regard et interroge. L’étoile
de Moustiers est suspendue entre les falaises dominant le village grâce
à une chaîne de fer forgé longue de 135 mètres et pesant 150 Kg.
D'après Frédéric Mistral, il s'agit d'un Ex-voto offert par le
chevalier de Blacas. Ce dernier avait en effet fait vœu d'offrande
s'il rentrait sain et sauf de son emprisonnement de Damiette (Syrie)
intervenu alors qu'il était en Croisade au début du XIIIème siècle.
L'étoile d'origine comptait alors seize branches et symbolisait la
famille de Blacas. Cette version n'est toutefois qu'une parmi d'autres,
les Rois Mages ou encore quelque histoire d'amour ayant pu elles aussi
contribuer à forger la légende de cette originalité. L'Etoile
bienveillante de Moustiers serait tombée à terre au moins onze fois
alors que l'actuelle domine le village depuis 1957. Elle mesure 1,25m.
et a été dorée à l’or fin en 1995. Maintenant, on monte ...
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En
1873 à Moustiers Sainte Marie, la communauté religieuse fit construire
un pont
de pierre pour remplacer la passerelle en bois qui conduisait à la
chapelle de Notre dame de Beauvoir. Cette date est gravée sur une des
pierres centrales du parapet sud avec les armes de la ville. Sur la
façade extérieure, vous pouvez apercevoir une niche destinée à recevoir
une stature de la Vierge. Les
pierres utilisées proviennent d'une grotte effondrée au dessus de la
chapelle. Les faïenciers du village ont fourni la chaux et les bijoux
de la Vierge ont été vendus pour payer le reste des matériaux et des
frais.
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Prisonnier
des Sarrasins - Accoutré comme un bohème - avec un fez cramoisi - que
le soleil blanc essore - en tournant la noria - dont la roue grince -
un Blacas priait ainsi - A tes pieds. Vierge Marie - Je suspendrai ma
chaîne - Si jamais - Je retourne - à Moustiers dans ma patrie. "
Cette plaque située en amont du pont a été apposée en 1920. Le texte
est
un passage de l'ouvrage de Frédéric Mistral écrit en 1885 et intitulé "
Les îles d'or " qui conte l'aventure du chevalier Blacas, prisonnier
des Sarrasins lors des croisades ".
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Chemin
traditionnel de pèlerinage, la montée vers ND de Beauvoir est jalonnée
de 14 oratoires, 12 sont d'architecture identiques (photo ci-dessus) :
ils datent de 1860 et forment ce que l'on appelle un mont-Calvaire : 14
stations retraçant le chemin de croix du Christ, devant lesquelles les
croyants se recueillaient en montant ; deux se distinguent par leur
originalité, nous en
reparlerons.
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Huit
oratoires sur une seule photo, pas commun ! Pour faciliter la marche et
entretenir
le passage quotidiennement foulé, on aménagea un escalier pavé de
galets, qui,
dit-on, compte autant de marches de de jours de l'année.
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L'oratoire de Blacas
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" L'oratoire de Blacas est l'un des plus anciens de
toute la Provence,
il
aurait été érigé au XIVe siècle. Construit en tuf, on suppose qu'il
constitue l'ultime élément d'un chemin de croix qui menait autrefois à
ND de Beauvoir. Les oratoires se nommaient "pilon, pierron" en
Provençal, ils présentaient souvent sur la façade tournée vers les
chemin, une excavation centrale dans laquelle une coupelle contenait de
l'eau bénite. C'est ici une belle ouverture tréflée.
- L'étoile à
seize
branches est celle contenue dans les armes des Blacas, co-seigneurs de
Moustiers, qui semblent être à l'origine de sa construction. La grande
croix qui la surplombe supportait autrefois un coq métallique.
L'entablement de marbre enchâssé dans le parapet qui constitue le base
de cet oratoire est utilisé en réemploi. Il s'agit manifestement d'un
élément de décor romain qui fut transformé là lors de son érection.
Plusieurs villas gallo romaines sont attestées dans la plaine en
contrebas du village. "
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Le
deuxième oratoire distinctif est au centre de l'image ci-dessus avec à
sa gauche un des douze oratoires de 1860 et à droite celui de Blacas.
Il est dédié à Sainte Philomène et d'origine est privée.
" Dès l'an 1300, nous voyons dix archevêques ou évêques d'Italie
encourager, par quarante jours d'indulgences, leurs diocésains à
visiter Notre-Dame de Beauvoir ou à lui faire des présents. C'était un
concours général à l'honorer. Favorisée des droits paroissiaux, quoique
simple chapelle, elle conservait le saint Sacrement ; on y donnait le
salut, on y confirmait, on y chantait la messe tous les dimanches et on
y célébrait tous les jours les divins mystères. Clément VI, en 1345, y
accorda des indulgences par une bulle où il la comble d'éloges : Ayant
appris, dit-il, qu'une très-grande multitude de peuple vient par
dévotion de toutes parts en la chapelle de la bienheureuse Vierge Marie
de Beauvoir, désirant que cette chapelle soit fréquentée avec les
honneurs qui lui sont dus, avons concédé et concédons un an et quarante
jours d'indulgences a ceux qui la visiteront. " (Notre-Dame de France,
ou Histoire du culte de la sainte
Vierge en France - André Jean Marie Hamon, 1861-1866). |
La
première mention connue de la chapelle, désignée d'abord sous le
nom de Notre-Dame des Roches, remonte au IXème siècle.
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"
Une fille de Digne, atteinte, au pied, d'un mal incurable, est guérie
subitement, après le vœu fait par ses parents d'offrir a la chapelle
une effigie en cire de leur enfant. Une sourde et muette, une aveugle,
une possédée du démon sont guéries ; plusieurs fois les cloches sonnent
d'elles-mêmes sans intervention humaine. En 1340, la communauté de
Moustiers est préservée d'une peste générale par le vœu d'aller en
procession chaque année à perpétuité célébrer a la sainte chapelle la
fête de Notre-Dame de la Miséricorde ; tous furent fidèles a
l'accomplissement de ce vœu ... " (Notre-Dame de France, ou Histoire du
culte de la sainte
Vierge en France - André Jean Marie Hamon, 1861-1866).
Depuis le XIIème siècle, le pèlerinage à ND de Beauvoir
a attiré plusieurs milliers de pèlerins. On venait de toute la région
pour prier la Vierge dont les miracles étaient reconnus. Jean Gionno
raconte, dans "Provence", son pèlerinage qu'il effectua à l'âge de 16
ans : l'arrivée nocturne pour la messe de l'Aurore, le 8 septembre, et
la foule montant au rocher avec de petites torches enflammées. |
La renommée
de la chapelle se répandit à partir du XIIème
siècle surtout en raison des miracles de la Vierge. Le pèlerinage à ND
fut rapidement encouragé par l'Eglise qui accordait, ou vendait, des
indulgences aux pèlerins.
Au XVIIe siècle,
ces pèlerinages prirent une forme particulière. On ramenait ici les
enfants morts-nés, pour les
faire ressusciter quelques instants, le temps de les baptiser. Après
quoi, il était possible de les faire inhumer religieusement dans
l'enceinte du cimetière assurant ainsi le salut à leur âme. C'est ce
qu'on appelle les suscitations d'enfants. Les chapelles
reconnues pour ce miracle sont désignées sous le nom de chapelles à
répit. Notre-Dame de Beauvoir est l'une des rares de Provence.
" Livre des mort-nés qu'on porte à la chapelle de Notre-Dame de
Beauvoir de cette ville de Moustiers, lesquels y ayant reçu le baptême
par un miracle particulier de la Sainte-Vierge, sont inhumés après dans
le cimetière de la paroisse. Malheureusement ce dernier livre s'est
perdu, et il ne reste que quelques feuillets de l'an 1770. D'après ces
documents irrécusables, il y eut, en 1640, deux mort-nés baptisés ; en
1641 six ; en 1659 cinq ; en 1660 six ; en 1661 sept ; en 1662 treize ;
en
1663 trente-trois ; en 1664 quarante-deux ; en 1665 dix-neuf ; en 1666
quarante-huit ; en 1667 vingt-sept ; en 1669 cent douze ; en 1670 douze
;
ce qui donne un total de trois cent trente-deux pour treize ans ..."
(Notre-Dame
de France, ou Histoire du culte de la sainte Vierge en France - André
Jean Marie Hamon, 1861-186).
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"
Malheureusement 93 arriva : on commença par dégrader la façade, ses
bas-reliefs et ses sculptures. De là pénétrant dans le lieu saint, on
prit tout l'or et l'argent, tous les ornements et les ex-voto; on brisa
les autels, on jeta au feu les saintes reliques, et l'on mit la
chapelle même en vente comme bien national. Les catholiques de
Moustiers l'achetèrent pour la conserver à jamais à la ville dont elle
était la consolation et la gloire ; et au retour de l'ordre on établit,
au fond de l'abside, un nouvel autel avec son retable qui s'élève
jusqu'à la voûte, entourant de colonnes torses et ornements dorés une
statue en marbre de la Vierge Mère. Depuis lors, on vient comme
autrefois prier Notre-Dame de Beauvoir ; les mères y apportent leurs
enfants en bas âge, surtout le 8 septembre ; il s'en trouve alors
plusieurs centaines. " (Notre-Dame de France, ou
Histoire du culte de la sainte Vierge en France depuis l'origine du
christianisme jusqu'à nos jours - André Jean Marie Hamon, 1861-1866).
La nef actuelle de style roman, peut dater du XIIIe siècle. Les deux
dernières travées et le chœur, de style gothique, datent du XVIe
siècle, comme le portail de bois finement sculpté et le porche couvert
de tuiles vernissées.
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"
J'ai beau être né dans ce pays et l'avoir habité sans interruption
pendant près de soixante ans : je ne le connais pas. Je l'ai parcouru
dans tous les sens : à pied, à cheval, en voiture, sans jamais pouvoir
dresser le catalogue complet de ses vertus et de ses vices. Mon premier
voyage eut lieu en 1911. Ma mère m'envoya au pèlerinage de l'aube à
Moustiers-Sainte-Marie. " (Provence, Jean Giono). A vous ...
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