Chemin privé !
Des fours à cade - 2/2
Le four une fois construit, il faut l'alimenter. Le maçon devient bûcheron
" On emploie, non, comme il est dit d'ordinaire dans les livres, les branches seules de l'arbuste, mais surtout la base de ces branches, la souche et un peu des racines. Il faut donc, au lieu de couper les branches, arracher cette souche, presque toujours implantée dans des rochers résistants, travail toujours difficile et souvent des plus pénibles. L'exploitation est par conséquent destructive, ce qui nous semble tout à fait déplorable. " (Bulletin mensuel de l'Académie des sciences et lettres de Montpellier - 1911). Peut-être, mais cette activité contribuait aussi à la protection et à la mise en valeur de la forêt méditerranéenne locale (création et entretien de chemins, débrousaillage, etc ...).


Le four une fois alimenté, le bûcheron devient distillateur.

" Lorsque la provision de matériaux est suffisante pour assurer à l'homme plusieurs journées de travail, le bûcheron disparaît, cédant à son tour la place au distillateur. Celui-ci enlève à la pelle la terre qui recouvre le sommet de la jarre, soulève la pierre obturant l'orifice supérieur et remplit la cavité avec les bûchettes préparées, sans faire un arrangement très régulier, jusqu'au sommet du récipient, dont l'orifice est aussitôt fermé par la pierre. Puis la terre recouvre le tout : il ne reste plus qu'à chauffer. " ...
four a cade
Photo ci-dessus, 2 vignettes de gauche : le feu est entretenu dans la galerie entourant la jarre via les 2 évents correspondant au repère "f" du schéma ci-contre. A centre  et  vignette de droite, "la porte" (repère "c") d'où s'écoutera le produit de la distillation.

... " C'est une opération importante dans sa simplicité. En effet, si l'on chauffe trop fort, on obtient de « l'huile brûlée », utilisable, mais opaque et de vente difficile. Si l'on chauffe insuffisamment, l'épuisement du bois est incomplet, le rendement est moindre et le charbon renferme encore de l'huile.

Le feu est entretenu dans la galerie circulaire, dans laquelle, de loin en loin, on enfonce très profondément, au moyen d'un long bâton taillé en fourche, des branches sèches qui s'enflamment aussitôt en donnant par l'orifice d'entrée une épaisse fumée qui signale de loin la petite usine champêtre.

La température s'élève rapidement et se transmet sans peine au bois contenu dans la jarre, la paroi de briques de celle-ci étant, comme on l'a vu, fort mince.

La combustion du bois de Cade commence par le haut de la jarre et descend peu à peu ; mais l'huile n'apparaît pas tout de suite. D'ordinaire, le feu étant allumé de bonne heure, vers 5 heures du malin par exemple, le premier liquide d'écoulement se montre sous la porte inférieure de la jarre quatre ou cinq heures après.

Cette « eau », que le distillateur ne conserve pas, est peu épaisse et de teinte légèrement brun-rouge ; c'est seulement quelques heures plus tard, vers deux ou trois heures de l'après-midi, qu'elle s'épaissit et fonce fortement pour devenir l'huile ou plus exactement le liquide épais qui donnera l'huile par le repos. En même temps que l'huile sortent sous la porte des fumées acres et abondantes. " (Bulletin mensuel de l'Académie des sciences et lettres de Montpellier - 1911).

   
four a cade rocbaron
Four à cade à Rocbaron.
... " Lorsqu'on a chauffé une heure ou deux encore, on peut s'arrêter. On bouche alors, au moyen de deux pierres plates, les orifices d'introduction du combustible, et la distillation continue toute seule pendant la soirée entière et une grande partie de la nuit. En somme, l'opération totale dure environ vingt-quatre heures ; elle produit de 4 à 6 litres de bonne huile, suivant que la matière est de médiocre ou de bonne qualité, soit en moyenne 5 litres par chauffe. ...
four à cade Cuges les Pins Riboux
Four à cade sur les chemins du patrimoine à Riboux
... Je rappelle que la capacité de la jarre est d'environ un mètre cube ; si l'arrangement des bûches était bien régulier, cela formerait un stère de bois ; mais la projection, même soignée, par le trou supérieur et la forme très tortueuse des branches, rendent la quantité réelle certainement très inférieure. M. Masson estime à 250 kilogrammes le poids du bois contenu dans la jarre lorsqu'elle est bien pleine. Cela fait environ du 2 %. Beaucoup d'auteurs indiquent un rendement plus fort ; mais il faut tenir compte qu'il s'agit probablement de branches décortiquées, presque sans aubier, et qu'on observe de grosses différences suivant l'âge de l'arbre et suivant le terrain. ...
four a cade four a cade
Au Broussan et sur les chemins du patrimoine à Riboux.
... Lorsque l'écoulement a cessé, on ouvre la porte inférieure de la jarre, et l'on retire le bois transformé en un charbon qui, à la vue, semble complètement débarrassé des matières résineuses. Ce charbon est immédiatement jeté dans une excavation d'environ 1 mètre cube, l'étouffoir, ouverte dans le sol juste devant le four, et recouvert rapidement de cendres et de terre. " ...
four a cade
Jean m'a transmis ces informations : "... celui de Siou Blanc porte comme nom : "Signes 05 : four de la Barallière".
... Le Goudron de Cade recueilli est mis dans des tonneaux où on le laisse reposer pendant au moins huit jours. Il se forme alors trois couches :

1° L' « eau », inférieure. Ce liquide, déjà décrit, n'a aucune valeur ; il est simplement rejeté ;

2° La « bourbe » ou la « boue » appelée dans le pays plutôt « fond » ou « bouse », mélange d'huile et d'eau, sorte de lie opaque, noirâtre et non commerciale. Ce liquide sirupeux, épais, qui correspond au goudron de bois dans la fabrication de ce produit, est laissé en repos pendant un temps assez long, et fournit alors une zone boueuse inférieure (l'eau s'étant rapidement et complètement séparée au premier repos), et une certaine quantité d'huile de bonne qualité. Plus le repos est long, plus la pureté est grande. Mais il reste toujours une petite quantité d'un Goudron non séparable et qu'on rejette ;

3° L'huile de Cade véritable, liquide épais, inflammable, huileux, très foncé, brun noir par réflexion ou sur épaisseur, rouge par transmission, limpide et transparent, d'odeur forte, résineuse, de goudron mêlée de fumée, très désagréable, et de saveur acre et caustique. C'est ce dernier produit, but même de toute l'opération, qui constitue la substance commerciale. " ...
four a cade sainte baume
En montant au Jas de Frédéric à Cuges les Pins.
... Il y a d'ailleurs un autre élément du bois de cadier qui intervient dans la formation de l'huile de cade : ce sont les résines. Si, après avoir privé le bois de cadier d'essence, on le traite par divers solvants : essence de pétrole, éther sulfurique, on obtient des résines ; et ces résines, soumises à la distillation sèche, fournissent des liquides plus légers que l'eau qui entrent certainement dans la composition de l'huile de cade.

Or, ces goudrons plus lourds que l'eau se dissolvent dans l'essence de cadier : si bien que l'huile de cade peut être en définitive considérée comme une solution de goudrons (au sens général du mot) dans l'essence de cadier, et dans les produits plus légers que l'eau, résultant de l'action de la chaleur sur les résines solubles dans l'essence de pétrole et dans l'éther sulfurique que contient le bois de cadier. ...
four a cade
... On voit que le mot de « Goudron de Genévrier », qu'on emploie quelquefois comme synonyme de celui d'Huile de Cade, n'est pas très exact. « L'huile » correspond, en effet, plutôt à la couche d'huile qui surmonte le goudron de bois, après distillation et repos, et qu'on nomme « Huile de Goudron », ou même souvent « Huile de Cade des vétérinaires », dénomination des plus fâcheuses, qui prête aux plus déplorables confusions, semble légitimer les fraudes, et contribue certainement à déprécier l'Huile de Cade véritable. Celle-ci devrait plutôt s'appeler, si l'on veut un synonyme, « Huile de Goudron de Genévrier », Le vrai Goudron correspond à la bourbe goudronneuse placée entre l'huile et l'eau. " (Bulletin mensuel de l'Académie des sciences et lettres de Montpellier - 1911).
four a  cade le beausset
Four à cade au Beausset
four cade cuers var
Un imposant four à cade à Cuers, en partie effondré.
four à cade, maison des 4 freres, Le Beausset
De nouveau au Beausset, un premier four à cade sur les circuits de "La Maison des quatre frères".
" L'huile de Cade ainsi fabriquée ne sort pas de la région. Le distillateur vend tout son produit directement aux propriétaires de troupeaux, ou aux bergers du pays. Il lui serait même facile de trouver le placement d'une quantité plus grande, s'il pouvait la produire. Il est vrai qu'il est à peu près seul, dans un rayon de pays considérable, à se livrer à celle industrie.

Or, s'il offre son huile à ce prix-là aux grandes maisons de droguerie, on ne lui répond même pas ! L'huile de Cade soi-disant pure, après prélèvement de bénéfices par tous les intermédiaires est offerte sur certains catalogues au prix de 1 fr. 40, 1 fr. 25 et même moins. Mais aussi, elle n'agit pas et les vétérinaires n'en veulent plus. Tout commentaire affaiblirait l'éloquence de ces chiffres. Dr Louis PLANCHON, Professeur à l'Université de Montpellier. " (Bulletin mensuel de l'Académie des sciences et lettres de Montpellier - 1911).

four a cade
Le deuxième four (restauré) est en parfait état.

Le produit obtenu, le distillateur devient enguentier, vendeur d'onguent.

" L'huile de Cade ainsi fabriquée ne sort pas de la région. Le distillateur vend tout son produit directement aux propriétaires de troupeaux, ou aux bergers du pays. Il lui serait même facile de trouver le placement d'une quantité plus grande, s'il pouvait la produire. Il est vrai qu'il est à peu près seul, dans un rayon de pays considérable, à se livrer à celle industrie.

Or, s'il offre son huile à ce prix-là aux grandes maisons de droguerie, on ne lui répond même pas ! L'huile de Cade soi-disant pure, après prélèvement de bénéfices par tous les intermédiaires est offerte sur certains catalogues au prix de 1 fr. 40, 1 fr. 25 et même moins. Mais aussi, elle n'agit pas et les vétérinaires n'en veulent plus. Tout commentaire affaiblirait l'éloquence de ces chiffres. Dr Louis PLANCHON, Professeur à l'Université de Montpellier. " (Bulletin mensuel de l'Académie des sciences et lettres de Montpellier - 1911).
four a cade
La rampe de chargement.

Enguentier, marchand d'onguent ou charlatan ?

Définition : " ENGUENTIER - ENGUENTIAIRE, s. m. Marchand d'onguent, d'orviétan, charlatan ; trompeur, enjôleur. — SYN. enguentier. " (Dictionnaire des idiomes romans du midi de la France : comprenant les dialectes du Haut et du Bas-Languedoc, de la Provence ... - Gabriel Azaïs - éd 1877-1881). Bien, on va ici retenir la première définition communément associé au producteur de cade, quoique, y aurait-il un lien entre cade et charlatanisme ?

" La loi sur les fabriques incommodes ou insalubres n'aurait pas oublié celle d'huile de cade sur ses listes si elle eût été plus connue. ... Les marchands d'huile de cade parcourent nos campagnes, passent dans tous les hameaux vont d'un mas à l'autre et chaque propriétaire de bestiaux fait sa provision. Quelques droguistes et quelques pharmaciens des villes en tiennent parfois, mais les colporteurs la vendent moins cher on la suppose plus récente et meilleure quelquefois ces derniers nous attrapent et nous donnent de l'eau pour de l'huile quoique ces deux liquides ne puissent se mêler en secouant bien l'outre qui les contient, ils les versent ensemble dans la bouteille noire ou le flacon de fer blanc de leur pratique ; l'huile surnage, et ce n'est que lorsqu'ils sont loin que l'on reconnaît leur fraude. " (Académie royale du Gard -  éd 1833).

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" ... les vétérinaires l'emploient chaque jour un peu moins, ce qui tient uniquement à de fréquents insuccès, dont l'explication est des plus simples. L'huile de Cade commerciale ordinaire est à peu près toujours falsifiée, tantôt par l'huile de Goudron de bois, ce qui est déjà très grave, car les propriétés sont loin d'être les mêmes, tantôt par l'huile de Goudron de houille, falsification bien plus nuisible encore.

Et comme la recherche de ces falsifications, surtout celle du Goudron de bois, est fort délicate, comme il y faut une analyse longue et difficile, dont les résultats, surtout dans les cas de simple mélange, restent souvent douteux, les falsificateurs avertis s'en donnent à cœur joie. Dans une élude assez récente, M. PÉPIN a montré que la plupart des chimistes ont effectué leurs recherches des caractères distinctifs sur des échantillons inauthentiques.

L'auteur a dû, pour avoir une certitude, aller prélever ses produits sur place, et l'on peut affirmer que le commerce ordinaire ne fournit que très exceptionnellement un produit d'origine certaine. Cette cause, qui reste toujours vraie, mais qui peut évidemment disparaître d'un jour à l'autre, amène de quotidiens déboires et justifie la défaveur relative de l'huile de Cade auprès des vétérinaires actuels. Elle est bien moins réelle pour nos paysans, qui vont acheter directement leur huile aux petits producteurs dont je vais décrire l'industrie. Aussi tous les bergers du Midi ont-ils encore dans leur sac une bouteille d'huile de Cade dont ils font quotidiennement le plus heureux usage. " (Bulletin mensuel de l'Académie des sciences et lettres de Montpellier - 1911).

A gauche, L'Anguille et Papillon, un article du " Matin : derniers télégrammes de la nuit " - édition du 24/11/1940).
four à cade du conservatoire variétal de l'olivier à la Valette du Var.
Le grand four à cade du conservatoire variétal de l'olivier à la Valette du Var.
" Un mot pour finir. M. MASSON, dont je viens de décrire le travail, gagne sa vie tout juste. Il fait tout lui-même et à peu près sans aide, depuis l'arrachage si pénible du Cade, hors des fentes de l'âpre calcaire, jusqu'à la vente de l'huile, en passant par la construction du four ; et ce n'est pas, qu'on le sache bien, un métier de paresseux ! Ce paysan qui vit isolé, sans aucun frais à supporter, et qui se contente de l'existence la plus primitive, ne peut gagner sa vie qu'en vendant son produit au prix minimum de 1 fr. 60 le litre (1 fr. 50 par quantités considérables). C'est là un prix qui ne saurait être abaissé. " (Bulletin mensuel de l'Académie des sciences et lettres de Montpellier - 1911).




On révise, on retient ...

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