Des
moulins sur la Sorgue - 5
Fontaine de Vaucluse, le moulin à papier Vallis Clausa Les roues à aubes de l'Isle sur la Sorgue " SORGUE,
ou Sorgue de Vaucluse. Superbe rivière du bassin du Rhône, sortie
d'une source splendide. Dans le département de Vaucluse, auquel cette
source a
donné son nom. ... Dés sa sortie du cirque de Vaucluse, la merveilleuse
rivière devient paisible, sauf aux tombées, aux fuites, aux moulins des
usines. A peine a-t-elle parcouru 2 km. que les collines de molasse qui
resserrent son val en gorge s'abaissent, elle échappe à l'étreinte des
monts Vaucluse et entre, à Galas, dans l'immense plaine du Comtat, à
l'endroit même où elle passe sous le bel aqueduc de Galas, qui porte le
canal de Carpentras d'un bord à l'autre du vallon.
A 4 Km de cet aqueduc, un peu
avant d'arriver à l'Isle, elle se partage en deux grandes branches,
dans le lieu dit bassin des Esptuguettes et là, n'ayant encore que 6 k.
de long, elle a déjà fait mouvoir, de son eau constamment fraîche (12°
à 14°), 8 moulins à farine. 1 moulin à garance, 2 moulins à triturer le
bois, 1 moulin à tisser la soie, 2 moulins à ouvrer la soie, 8
papeteries, 2 ateliers d'ajustage 210 chevaux-vapeur sont utilisés, sur
plus de 900 utilisables de plus, la rivière irrigue 36 hectares.
(Dictionnaire géographique et administratif de la France et de ses
colonies - Paul Joanne - 1890-1905)
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Fontaine
de
Vaucluse
" Le droit de banalité, si opposé et si infâme
surtout, parce qu'il
touchait profondément à la source même de la vie du serf, n'embrassait
généralement que les fours, les moulins et les pressoirs. Mais, dans
quelques coutumes, il s'étendait encore aux moulins pour fouler le
drap, pour battre les écorces et fabriquer le tan, pour piler le
chanvre et, enfin, pour toute usine qui nécessitait un cours d'eau,
dont la propriété était toujours seigneuriale. " (Histoire de la classe
ouvrière depuis l'esclave jusqu'au prolétaire de nos jours - Volume 2,
Robert du Var, 1845-1847). Le
site de la source de la
Sorgue. " Source justement célèbre, qui a donné son nom au département
et au village dans lesquels elle est située, et qui forme la Sorgue,
remarquable affluent du Rhône. " |
" Un rocher monte. Il est droit,
il a 200 m. de haut. il est de couleur
ardente, avec plaques sombres ; à gauche se lèvent des pointes
blanchâtres
à droite un bloc, blanchâtre aussi, continue sa pierre par une ruine de
château. " |
" Devant le roc, dans une « lin
du monde », une rondeur d'eau s'épanche
au printemps, ou quand les orages d'été, d'automne, ont eu force de
typhon, puissance de déluge du seuil elle s'incline en cascade sur un
chaos de blocs brunis par la mousse. C'est la Sorgue. Elle ne monte au niveau de sa large ouverture de puits que lorsque son abîme lui transmet 22 m. cubes par seconde, c'est-à-dire pendant la moindre moitié de l'année. Lorsque la pluie manque sur les plateaux, l'eau baisse dans le puits ne sortant plus à la gueule d'en haut, elle s'échappe latéralement, par des fissures et va jaillir entre les roches entassées désordonnément sur la pente de la cascade. " |
A peine plus loin, la Sorgue est
déjà cette "
superbe rivière du bassin du Rhône, sortie d'une source splendide." |
Moulins
à papier Vallis Clausa à Fontaine de Vaucluse
Vous ne
manquerez pas de visiter le moulin à papier de Fontaine de Vaucluse.
Son fonctionnement est initié par une grande roue au fil de l'eau
tournant à 5 tours par minute. Son diamètre est de 7 mètres, elle a 48
pales mesurant 2 mètres de long. Elle est alimentée par la source du
Pagodon dont le débit est de 1m³/seconde. |
Reconstitution d'un
moulin à papier comme il en exista à la fin du Moyen-Age. En Provence
et dans le comté Venaissin, l'apparition des premiers battoirs date du
début du XIVème siècle. A Fontaine de Vaucluse, le premier moulin à
papier date de 1522, au lieu-dit le Martinet, sur la rive opposée de la
Sorgue. Dans le courant des siècles suivant, quatre autres s'y
ajoutèrent, dont la papeterie dite du Chemin de la Fontaine construite
en 1862 et située sur l'emplacement de l'actuel moulin Vallis Clausa.
L'usine fonctionna jusqu'en 1968. |
La grande roue entraînée par
l'eau fait tourner les autres plus petites situées à l'intérieur. La
vitesse voulue atteinte, une courroie croisée entraîne un arbre de 6
mètres garni de 70 cames (ergots) en bois qui soulèvent alternativement
les maillets au niveau de l'éperon (les maillets ne se soulèvent donc
jamais en même temps pour permettre le meilleur brassage de la pâte).
Les maillets sont en sapin et pèsent chacun 75 Kg. L'ensemble comprend 5 cuves en granite, appelées "creux de pile", chacune est équipée de trois maillets (une pile) : 2 cuves dites défileuses, 2 raffineuses et 1 affleureuse ; chaque cuves contient à peu près 15 Kg de chiffons (lin, chanvre et coton). La tête de chaque maillet est garnie de lames d'acier tranchantes qui déchiquettent ces chiffons sur une platine d'acier pendant 24 à 36 heures suivant la qualité de pâte recherchée. L'eau circule en permanence dans les cuves. |
Un vrai voyage dans le temps, ci-dessus un moulin à papier
au XVIIIe siècle, le principe est exactement le même. |
La presse à cabestan (contre le
pilier), la
grande cuve, la pile hollandaise.
A la fin du cycle, on obtient
une pâte plus ou moins grossière. Si l'on souhaite un papier de
meilleure qualité, elle sera déposée dans une la cuve blanche dite «
pile hollandaise », car inventée ... en Hollande au XVIIIème siècle.
Sous la demie-coque en bois
(marron), un cylindre muni de lames déchiquette de nouveau la pâte sous
le maintien d'un courant d'eau permanent. Le rendement de la pile
hollandaise était bien supérieur à la précédente, elle a en son temps
permis une avancée technique significative. |
C'est ici que " L’art de l’ouvreur, l’ouvrier papetier, peut alors s’exercer ! Tel un orpailleur, appuyé contre le rebord de la cuve et après avoir bien remué cette pâte à l’aide du redable, l'ouvreur immerge une forme (sorte de tamis) au format de la future feuille dans le liquide." Il créée la première épreuve de la feuille qui prend alors forme, marquée si besoin du filigrane de la marque du moulin. A gauche, ouvreurs dans une papèterie au XVIIIe siècle (Encyclopédie Diderot & d'Alembert). L'ouvrier coucheur lui succède, il est chargé de presser les piles de feuilles afin d'en évacuer l'eau - voir ici la presse à cabestan (photo supra), utilisée avant l'arrivée des systèmes hydrauliques. L'opération suivante est délicate car il faut séparer les feuilles encore humides et par conséquent encore très fragiles. S'ensuit le séchage qui va durer jusqu'à trois jours. Les feuilles sont de nouveau empilées pendant au moins 4 jours pour éviter qu'elles ne gondolent. " Fini ? Pas encore ! Autrefois manuel, chaque feuille est polie grâce aux laminoirs, travail qui était autrefois manuel effectué par les lisseuses au moyen d'une pierre en silex. Et maintenant, à vos écritoires, une visite au moulin et quelques jolies feuilles pour retrouver un plaisir s'évanouissant. Le moulin possède aussi une boutique en ligne. |
Le partage des
eaux. C'est ici
que la Sorgue se sépare en deux bras qui vont embrasser le village.
" Située au milieu des fertiles campagnes de la plaine du Comtat et bâtie dans une position très forte, sur plusieurs îles de la Sorgue, poissonneuse rivière, cette localité fut fortifiée dès une époque ancienne. Un marché y existait, d'accès facile, puisque l'agglomération est de plain-pied avec la plaine, et sûr, puisque des murailles l'entouraient. On trouvait aussi à L'Isle des moulins ; une industrie y prospérait, celle des draperies ; ces draperies étaient exportées jusqu'à Marseille. Les habitants faisaient également le trafic du sel et d'autres marchandises, et avaient sans doute étendu leurs opérations assez loin dans les régions voisines. L'existence d'un péage à L'Isle même achève de nous fixer sur l'importance commerciale de cette ville. " (Mémoires de l'Académie de Vaucluse - 1913) |
Les eaux de la Sorgue
fournissaient depuis une époque très ancienne, la force motrice à de
nombreuses usines. La première utilisation fut, probablement, pour les
moulins à blé, avant une spécialisation dans la laine et la soie. A
l'origine, filage et tissage
se faisaient à la main par les paysans des fermes, qui apportaient
ensuite leurs étoffes à l'Isle pour y être "parées", c'est à dire
foulées et apprêtées aux moulins-paroirs ou "paradoux" actionnés par
les eaux de la Sorgue. Mais peu à peu les moulins paroirs se mirent
eux-mêmes à filer et tisser, accroissant ainsi leurs activités. |
Le circuit vous permet de
découvrir 15 roues à
aubes, ici celle de la porte d'Avignon, ancienne roue du jardin des
religieuses de Sainte-Elisabeth. |
La roue Giraud, autorisée en
1821 pour irriguer
un jardin.
" Comme Venise, l'Isle également sortie, des flots, aux époques d'invasions, doit sa fondation à une colonie de pêcheurs (576). Un besoin pareil d'échapper aux Barbares avait poussé les populations à se réfugier, là dans les lagunes, ici dans les marécages de la Sorgue, marécages qu'on eut bientôt desséchés, en donnant un écoulement aux eaux, eu régularisant leur cours. "... (La Provence artistique & pittoresque : journal hebdomadaire illustré - Marius Olive - 1893). |
Deux martelières, ces trappes en
fer coulissant verticalement, permettaient de réguler les débits dans
les bras secondaires parcourant la ville. " L'Isle appartenait au Comtat Venaissin. On l'appela donc, - pour le distinguer des autres pays nommés de même - l'Isle de Venaissin, de Venisse (Insula Venaissini, Venascini), plus doux de Venise. C'est pourquoi les partisans de l'euphonie, grâce peut-être à un certain air de famille entre ce pays et la reine de l'Adriatique, disent encore, comme on l'a dit si souvent : la Petite Venise. " (La Provence artistique & pittoresque : journal hebdomadaire illustré - Marius Olive - 1893). |
Au XIIIème siècle, les draps
dits "blanquets"
que l'on fabrique à
l'Isle, sont très appréciés. Ce sont des draps pour recouvrir les lits
qui représentent nos actuelles couvertures. Il y a eu sur les
différentes branches de la Sorgue 62 roues recensées. Le record vient
du bras de la Sorgue qui traverse le centre-ville, appelé Sorgue de
l'Arquet. Long de 527 mètres, 17 roues y avaient été installées. Vers
la
fin du XIXème siècle les 17 fabriques de soie et de laine étaient en
activité au quotidien, d'après le procès-verbal de constat du 28
septembre 1855, et employaient 297 ouvriers. |
... " Nous débarquions à 8
heures du soir, en gare de l'Isle. Dans une salle à manger d'auberge de
village, à tapisseries à ramages, les fenêtres drapées de rideaux de
calicot blanc, une cheminée surmontée d'une glace dont la bordure d'or
se dissimulait mal sous une housse de tulle, avec sur table de marbre
très simple, une merveille : deux beaux candélabres d'argent, style
Louis XVI ; c'est là. que nous finies honneur à un dîner, fin,
succulent, sortant de la banalité dès dîners de grande route.
Pensez-donc le lapin et le pigeon traditionnels avaient fait place à
d'excellentes bouchées aux écrevisses, à
des pâtés d'anguilles que Véfour n'eut pas rougi de signer. " (La
Vedette : politique, sociale et littéraire - 1887) |
2 des 3 roues de la rue
Théophile Jean traversée par le canal de l'Arquet ; on a compté jusqu'à
14 roues
dans cette rue dont les usines étaient principalement dédiées à la
fabrication de soie. Au premier plan, la roue Victor Courbet,
l'ordonnance
royale donne l'autorisation de l'utiliser en 1832 pour un moulin à soie
et filature de laine ; plus loin, le roue de l'hôpital fournissait
l'eau à l'hôpital. |
Ci-dessus, Un exemple d'ordonnance royale.
Le principe paraît simple, et bien pas vraiment, et pour ceux qui doutent encore de l'utilité des mathématiques et de la physique M. Belidor écrivait en 1737 : " ... comme les aubes ont 2 et ½ de superficie, la force absolue du courant sera de 1177 lb ½, dont prenant les 4/9, il vient 523 lb 1/3 pour la force respective du courant contre les aubes, dans le cas du plus grand effet ; cela posé ; voici les noms et la valeur des grandeurs qui doivent entrer dans le calcul : a = 8 pieds 1/2, rayon de la roue ; b = 4 pieds , rayon du rouet ; c = 20 pouces, rayon de la lanterne ; d= 9 lignes, rayon des tourillons ; p = 523 lb 1/3, force de la puissance motrice ; q= 3000 lb, pesanteur d'un des hérissons ; t = 3600 lb, pesanteur de la roue, du rouet et de l'arbre prie ensemble et enfin m/n = 19/18, expression du frottement du rouet et de la lanterne. Comme la ligne FC qui marque la longueur des levées prises depuis l'axe du hérisson, est égale au rayon FX de la lanterne, il suit que la puissance appliquée en X, c'est-à-dire aux fuseaux de la lanterne, sera égale au poids exprimé par Y. Pour avoir égard au frottement des tourillons qui font à l'extrémité d'un des hérissons, il faut selon l'article 251 prendre la moitié de la somme des poids ou puissances qui agissent aux extrémités C et X, c'est-à-dire la moitié de ZY et l'ajouter à la moitié du poids du hérisson ; multiplier ces deux termes par le rayon des tourillons, diviser le produit par le rayon de la lanterne, ajouter le quotient, à Y, et multiplier le tout par M/N, l'on aura Y+ DV/C + DQ/2C + M/N pour l'expression de la résistance que les dents du rouet rencontreront à faire tourner une des lanternes ... " |
Profitez-en pour visiter la
collégiale Notre Dame des Anges. |
Collégiale en 1222, classée
monument historique en
1911 sa décoration à l'italienne date du XVIIème siècle. |
Roue de Valébrègue. |
A gauche, la roue de Ribière
appartenait depuis une trentaine d'année à la famille Roze, lorsqu'elle
fur réglementée par une ordonnance royale du 19 février 1843. |
La roue des minimes (au 1er plan), construite par les frères Minimes pour fournir l'eau à leur couvent. Derrière, la roue des Lices de Villevieille dont l'exploitation a été autorisée par ordonnance royale de 1818. |
" PAIN CHER ET BAS SALAIRES. SOUFFRANCE
PROLETAIRE SOUS LE SOLEIL DE
VAUCLUSE. USINES MALSAINES, SALAIRES DERISOIRES EN AVIGNON.
Avignon, L'Isle-sur-Sorgue, Fontaine de Vaucluse, où tout éclate sous le soleil, après Firminy et son ciel gris où tout s'estompe dans les fumées. Contraste climatique qui fait ressentir plus pénible encore la misère des travailleurs du pays noir. Pas d'illusions, toutefois là comme ici, deux classes, à l'antagonisme plus ou moins apparent mais dont on découvre, sans peine, les symptômes. 60 francs par semaine à la tapisserie d'Isle-sur-Sorgue. ... Une salle basse et d'autant plus obscure que, dehors, le soleil aveugle. Un bruit "assourdissant de machines en action ; une fine poussière sature l'air ; on tousse à narler fort les ateliers de cardage de l'usine Brunchampein, de l'Isle-sur-Sorgue, tapis et couvertures. Des jeunes gens pour neuf heures de peine dans une telle atmosphère touchent un salaire de 7 à 9 francs ; travail dangereux ; la fréquence des accidents en fait foi. Tout récemment encore, un gamin de treize ans eut le poignet gauche sectionné par un engrenage. Les femmes au métier à tisser, - à la tâche toujours - ont des salaires hebdomadaires de 80 francs (les plus habiles), de 65 à 60 francs soit 10 francs pour neuf heures d'absorbante besogne. Les hommes ? Ouvriers qualifiés 20 francs en moyenne ; manœuvres 14 francs." (L'Humanité - 24/10/1926). |
C'était une jolie matinée à
L'Isle sur la Sorgue. |
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