Son château et ses jardins à Belgentier constituent depuis la démolition de l’hôtel de Calas à Aix, l’unique lieu lié à la mémoire du grand humaniste provençal. " (M.O. Giraud, chargée d’études documentaires à la CRMH). Nicolas-Claude
Fabri de Peiresc, né le 1er décembre 1580 vers sept heures du soir à
Belgentier et mort à Aix-en-Provence le 24 juin 1637, baron de Rians,
abbé et seigneur de
Guîtres en Guyenne, docteur en droit et conseiller au Parlement de
Provence, « Procureur général de la République des lettres », grand
humaniste,
homme de lettres, astronome, scientifique, collectionneur d'art,
épistolier, numismate, archéologue, historien, égyptologue, botaniste,
zoologue, écologiste, géologue, paléontologue, philologue, anatomiste
et naturaliste.
|
Pages : 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 - 7 - 8 - 9 - 10 - 11 - 12 - 13 - 14 - 15 - 16 - 17 - 18 - 19 - 20 - 21 - 22 - 23 - |
![]() |
Croyez-vous
que personne n’ait jamais entendu parler de notre M. de Peiresc, et que
toutes ces personnes qui ne sont ni des barbares, ni des ignorants, ne
le connaissent pas non plus ? Je vais donc vous entreprendre de sa renommée, pour sa reconnaissance comme Varois le plus célèbre de tous les temps, non seulement du Sénat et de l'Ordre des chevaliers, mais encore du menu peuple et des artisans. (Librement inspiré de Balzac évoquant notre brillant Varois). ![]() Les "fers" des reliures des livres de Peiresc : F, K et Φ, également logo de l'association les Amis de Peiresc. |
A
l'occasion des journées du patrimoine 2016, Monsieur Jean-Marie Mathey,
propriétaire du château de Peiresc à Belgentier, président de
l'association " Les Amis de Peiresc ", a très gentiment accepté
d'ouvrir sa propriété pour perpétuer la " réhabilitation " de la
mémoire de Nicholas-Claude Fabri de Peiresc, né au château en 1580 et
ancien propriétaire des lieux. Une belle visite. Notre guide nous accueille avec une question
des
plus pertinentes " Sauriez-vous citer le Varois le plus célèbre de
tous les temps ? ..." Effectivement, pertinent et intéressant. Brigitte
Bardot ... Pourquoi pas, mais elle n'est pas née dans le Var. |
5 mètres de long, 0,8 de haut, les grandes étapes de la vie de Peiresc sont retracées sur un panneau de marbre sculpté et fixé sur le mur gauche avant l'entrée de la propriété. L'œuvre est de Philippe Meyer, professeur des Beaux Arts de Toulon, installée à l’occasion de "l’été Peiresc", festivités organisées en 1987 pour commémorer le 350ème anniversaire de la mort de cet illustre savant. (Site Belgentier.fr) |
Début en 1580 ... Mais regardez en bas à gauche, que fait
cet éléphant à Belgentier ? " Aussi déplore-t-il (ndlr Peiresc) les récits fantaisistes faits par les voyageurs et les fables accréditées par eux sur la faune et la flore des pays lointains qu'ils ont visités. Il estime d'ailleurs que la réalité est encore plus curieuse et plus intéressante que toutes leurs inventions. Quand des occasions s'offrent à lui de bien connaître des animaux alors assez rares et qu'on lui envoie d'Asie ou d'Afrique des tortues, des crocodiles, une gazelle, etc., il observe de près leurs habitudes et leur structure. ... Une autre fois, des ossements de grande dimension lui ayant été adressés comme provenant d'une race de géants qui peuplait l'Afrique, il n'est pas longtemps à découvrir que ce sont là des fragments de squelettes d'éléphants. Il attire lui-même à Belgentier un éléphant qui, amené d'Italie, passait dans le voisinage. Sa présence fait le bonheur de Peiresc et pendant trois jours qu'il le garde, « il le considère bien à son aise et avec grand plaisir, ne l'ayant pas laissé dépayser qu'il ne l'eût fait peser contre quelques six-vingt boulets de canon. » A son départ, l'animal connaît déjà, aussi bien que son gouverneur, son hôte qui, enhardi peu à peu, « se laisse porter jusqu'à ce point de curiosité ou, pour mieux dire, de folie, que de lui mettre la main dans la bouche et de lui empoigner une de ses dents maxillaires pour en mieux connaître la forme. » (Revue des deux mondes 1900 - Emile Michel - Lettres de Peiresc, publiées par Ph. Tamizey de Larroque, dans la Collection des Documens inédits sur l'Histoire de France; Imprimerie nationale, 7 vol. in-4°, 1886-1898). |
Nicolas-Claude Fabri de Peiresc, fils de
Renaud Fabri, seigneur de Belgentier, maître des Comptes, seigneur de
Belgentier, et de
Marguerite de Bompar, dame de Peiresc et de Valavès " Jamais homme ne
rendit plus de services à la République des Lettres que celui-ci. Il en
était pour ainsi dire le Procureur général : il encourageait les
Auteurs, il leur fournissait des lumières et des matériaux, il
employait ses revenus à faire acheter, ou à faire copier les monuments
les plus rares, et les plus utiles. " (Dictionnaire
historique et critique, Pierre Bayle, 1820). Fuyant
la peste qui sévissait à Aix en Provence en 1580, ses parents
trouvèrent refuge à Belgentier où il louèrent la propriété
pour protéger
la grossesse de madame et c'est donc ainsi que notre humaniste naquit à
Belgentier. L'année suivante, son oncle et son père achètent
la propriété, et son frère en héritent en 1623. |
" Son
commerce de lettres embrassait toutes les parties du monde : les
expériences philosophiques, les raretés de la nature, les productions
de l'art, l'antiquariat, l'histoire, les langues, étaient également
l'objet de ses soins et de sa curiosité. ... Il ne sera pas inutile de
remarquer que cet homme si célèbre par toute l'Europe, et dont la mort
fut pleurée par tant de poètes et en tant de langues, et mit en deuil
pompeusement les humoristes de Rome, était inconnu à plusieurs
Français, hommes de mérite et d'érudition. " (Dictionnaire historique
et critique, Pierre Bayle, 1820). La bâtisse a été remaniée au XVIIème siècle - très vraisemblablement par la volonté de son neveu qui en avait hérité - puis restaurée au XVIIIème et XIVème siècle. |
Près de 40 mètres de haut, 10 de circonférence pour ce magnifique Séquoia qui vous accueille à l'entrée du parc, mais, " Ne croyez pas que les arbres soient aussi vieux, le Séquoia a probablement 180 ans et le grand cèdre situé devant la bâtisse tout autant. " |
La
borne milliaire romaine de la voie Aurelia |
Les
bornes milliaires romaines marquaient les distances sur les voies
romaines, ces distances étaient mesurées en milles romains (d'où leur
nom "milliaire"), soit mille pas romains, ou environ 1480 mètres. Le plus souvent en forme de colonne, elles rappelaient, outre la distance, la déférence due à empereur associé à la voie empruntée, à l'origine de sa construction ou sa rénovation. La borne militaire du château Peiresc à Belgentier a été trouvée dans l'Estérel en 1628. Achetée par Peiresc, elle est d'abord transportée à Aix avant qu'il ne décide de l'installer à Belgentier où elle se trouve encore aujourd'hui.Erigée entre 317 et 337 sous le règne de Constantin, elle bornait la via Aurelia reliant Rome à la Gaulle et plus loin jusqu'à l'Espagne. Elle marquait le cinquième mille à l'Est de Fréjus. (source MM. Gascou et Janon, dues à l'obligeance du Centre archéologique du Var). Elle porte une gravure latine :D(omino) N(ostro) Flauio Claudio Constantino patre, auo, ma- ioribus im- p(eratoribus) nato, Cae- sari nob(ilissimo) sem- per orbi taer- (r)e profurato [ V ] " A notre maître Flavius Claudius Constantin, issu d'un père, d'un aïeul et d'ancêtres empereurs, très noble César qui sera toujours salutaire à l'Univers. Cinq milles. " D'autres bornes : ICI. |
" Un homme qui n'a pas son pareil en l'Europe pour la
courtoisie et
humanité, comme aussi pour la sagesse, science, curiosité de toutes les
belles choses, et intelligence de tout ce qui se passe dans le monde :
n'y aïant royaume, païs ni ville célèbre où il n'aye correspondance, et
d'où il ne sache et n'aye tout ce qu'il y a de remarquable et de rare,
soit par les gens de mérite et de savoir avec tous lesquels il a
commerce de lettres, ou par des hommes qu'il tient exprès à ses despens
sur les lieux. » (Répertoire des travaux historiques contenant
l'analyse des publications faites en France et à l'étranger sur
l'histoire, les monuments et la langue française, p428, 1882). D'autres bornes milliaires : ICI. |
Canal et
jardin.
L'achat de la propriété
avait été conditionné par un échange
de terre contiguë contre la construction d'un canal devant irriguer les
terres
seigneuriales et l'approvisionnement du village en eau. (Mme Giraud,
chargée
d’études documentaires à la CRMH) ... Le canal passe
donc au pied de la demeure. |
" Mais plus encore qu'aux animaux, Peiresc s'est intéressé aux plantes. La botanique était sa science favorite et ce n'était pas pour lui une étude morte. ... De bonne heure, il a été en relations avec les principaux botanistes de l'Europe ; il est empressé à leur signaler les omissions ou les erreurs de leurs livres et il voudrait que les descriptions ou les images qu'ils donnent des plantes fussent de la plus rigoureuse exactitude. ... Il est un herborisateur passionné, et le pays qu'il habite est merveilleusement propre à entretenir chez lui cette passion. Aux environs de Belgentier surtout, la flore est d'une richesse et d'une variété extrêmes, à raison de la diversité d'altitude et d'orientation des montagnes, de la proximité de la mer et de la constitution même des terrains. " ... (Revue des deux mondes 1900 - Emile Michel - Lettres de Peiresc, publiées par Ph. Tamizey de Larroque, dans la Collection des Documents inédits sur l'Histoire de France; Imprimerie nationale, 7 vol. in-4°, 1886-1898). |
" Rappelons rapidement ce que la science horticole
provençale
doit à notre savant par la création de parterre de fleurs importées de
Chine, du levant et d'Amérique, par l'aménagement de ses serres et par
les plantations en pleine terre, pour les acclimater, de nombreuses
variétés qui lui doivent leur existence sur le littoral méditerranéen :
le papyrus, l'oranger, le jasmin d'Arabie et celui de Perse, la nèfle,
le gingembre, le myrte, le lentisque ... " (Brochure les Amis de
Peiresc). |
Le
parc public de Belgentier appartient depuis 1974 au département, il
constituait autrefois la partie basse du jardin reliée au reste du
domaine par un grand escalier prolongeant encore
aujourd'hui le pont qui enjambe le Gapeau,
l'accès est naturellement fermé. |
![]() |
Sur
cette gravure de Israel Silvestre conservée au musée Paul Arbaud à Aix
en
Provence - même si l'auteur s'est écarté des réelles symétries, on
remarquera le Gapeau traversant le milieu du parc. " L'attachement que Peiresc avait pour Belgentier devint avec les années de plus en plus vif ; il avait sa source dans un amour de la nature que personne à cette époque ne posséda au même degré que lui. Même lorsqu'il y est absolument seul, il trouve un charme infini à la vie qu'il y mène. " (Revue de deux mondes - Emile Michel - 1900) |
Le Gapeau à Belgentier. |
Le roi Louis
XIV au château
Peiresc.
" A Belgentier ... il
entendit, selon son habitude, la messe qui fut célébrée en l'église
paroissiale, et mit au bassin du quêteur 5 louis d'or, valant 55
livres, qui furent distribuées ensuite aux 8 confréries de la paroisse.
" (Bulletin de la Société d'études scientifiques et archéologiques de
la ville de Draguignan). |
Vous n'avez pas manqué cette impressionnante fresque en traversant Belgentier, elle commémore le passage de louis XIV le 19 février 1660, donc après la mort de Peiresc qui avait légué sa propriété à son neveu, seigneur de Rians. |
En 1992, Michel Deguil, artiste peintre et décorateur, mit deux mois pour réaliser cette œuvre. On y voit le roi Louis XIV avec à son bras gauche la reine Anne d’Autriche suivie par sa nièce la Grande Demoiselle, fille aînée de Gaston, duc d'Orléans, et son frère Philippe, duc d'Anjou ; le cardinal Mazarin est à la droite du roi alors que Comminges et d'Artagnan, mousquetaires du roi, sont de dos. Après son passage à la Sainte Baume le 5 février, notre cortège royal se rendait en pèlerinage à Cotignac, " car c'est en priant Notre-Dame-de-Grâce qu'Anne d'Autriche avait été exaucée de son vœu le plus cher, enfanter un fils : Louis XIV ! " (Brochure Les Amis de Peiresc). |
L'intendance ayant bien travaillé, le château de Peiresc avait été choisi comme halte de repos, non sans améliorer au préalable la décoration du hall d'entrée avec d'imposants motifs en stuc. Un masque asiatique se cache au centre, le voyez-vous ? |
Notre-Dame de Grâces à Cotignac, destination du cortège royal. " On aime à voir ces usages touchants, passer ainsi de siècle en siècle, et offrir, au milieu de la corruption du nôtre, l'image de la simplicité des mœurs antiques. C'est à ces exemples augustes que les rois de France ont donnés de tout temps à leurs peuples, que l'on doit peut-être la conservation de la foi dans plusieurs provinces. " (Pèlerinage de deux Provençaux au couvent de la Trappe de La Sainte-Baume. Signé J. O. - 1830). |
Un héritage inestimable : une correspondance de 40000 lettres ; des études touchant aux domaines les plus divers ; un cabinet de curiosités, une collection de plus de 18.000 pièces, des tableaux, une galerie de portraits, 5.000 livres et ouvrages. Nombre de ses œuvres entrèrent par la suite dans les collections publiques françaises et italiennes. (M-O Giraud, chargée d’études documentaires à la CRMH) |
![]() |
" Bouchard vante ensuite le cabinet de Peiresc, « le plus curieux de l'Europe », ses imprimés, ses manuscrits, ses belles reliures en maroquin rouge de Levant avec quantité de dorures, ses médailles, ses portraits des hommes illustres, son trépied antique, ses deux momies, ses fleurs ... "
L'image ci-contre est extraite d'un de ces lieux très atypiques. Effectivement ... très (très) curieux ?! |
"
Cette tour fut sans doute un colombier et une glacière (pour la
conservation de produits et non de glace), mais pas un observatoire ;
c'est quand même dans cette esprit qu'on la nomme au village " tour de
Galilée". " (Brochure les Amis de Peiresc). De Peiresc, astronome, ami Galilée et de Pierre Gassendi. Le 26 novembre 1610, il note « In Orione media... ex duabus stellis composita nubecula quamdam illuminata prima fronte referabat coelo non oie sereno », il vient de découvrir la nébuleuse d'Orion ! (Voir la reproduction de l'annotation ci-dessous). Observateur affûté il comprend que Jupiter possède plusieurs satellites, découverte encore révolutionnaire à cette époque ou rien ne bouge au delà du soleil. Il dresse des croquis, imagine des tables pour améliorer la connaissance des longitudes - (conseil de lecture : Le procès des étoiles) - il sait déjà la nécessité d'observer un phénomène spatial depuis plusieurs points, et "coordonne alors l'observation de l'éclipse de Lune du 28 août 1635 en répartissant des observateurs tout le long de la Méditerranée ; ceci lui permet de constater que cette mer est en réalité plus courte de près de 1000 Km que ce que l'on croyait jusqu'alors ! " (Wikipédia). A l'origine d'une gravure inachevée de la carte de la Lune avec son ami Gassendi en 1636, un cratère de notre satellite porte aujourd'hui son nom et lui rend ainsi hommage : " PEIRESCIUS ", au sud-est de l'astre, 61 Km de diamètre, coordonnées : 46.5° Sud - 67.6° Est. |
![]() |
26 novembre 1610, découverte de la nébuleuse d'Orion. |
L'habitation, le jardin, la tour
pigeonnier, le pont sur le Gapeau avec
son escalier donnant sur le parc public et les enclos ont été
inscrits à l'inventaire des monuments historiques le
24 février
2014. |
A sa mort, son éloge fut publié dans 40 langues différentes. " Balzac qui ne sera point ici allégué mal à propos. « Je demeure d'accord, avec vous, de ce que vous dites de plus haut et de plus magnifique de votre ami ; et, si vous me permettez de me servir en français d’une parole empruntée de Grèce, j'ajoute que nous avons perdu en ce rare personnage une pièce du naufrage de l'antiquité, et les religieuses du siècle d'or. Toutes les vertus des temps héroïques s’étaient retirées en cette belle âme. La corruption universelle ne pouvait rien sur sa bonne constitution, et le mal qui le touchait ne le souillait pas. Sa générosité n’a été ni bornée par la mer, ni enfermée au deçà des Alpes : elle a semé ses faveurs et ses courtoisies de tous côtés : elle a reçu des remerciements des extrémités de la Syrie, et du sommet même du Liban. Dans une fortune médiocre il avait les pensées d’un grand seigneur, et, sans l'amitié d'Auguste, il ne laissait pas être Mécénas. » " (Dictionnaire historique et critique, Pierre Bayle, 1697). |
Pages : 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 - 7 - 8 - 9 - 10 - 11 - 12 - 13 - 14 - 15 - 16 - 17 - 18 - 19 - 20 - 21 - 22 - 23 - |