(Un village abandonné - Oliver Goldsmith - 1770) |
" Ce lieu, dit en latin Castrum novum, tire son nom du
château
ou de
quelques forteresses construite par les seigneurs du lieu (ndlr : les Moustiers). Il est situé
sur une montagne isolée, à 14 Km à l'est de Moustiers, et à 36 au sud
de Digne. Le territoire produit du blé et des pâturages, qui servent à
l'engrais des bestiaux. Les habitants ont déserté le village pour se
fixer dans les hameaux de la plaine : Châteauneuf, a été le théâtre de
quelques petites guerres que se faisaient entre eux, deux seigneurs du
pays. " (Géographie historique et biographique du département des
Basses-Alpes - J.J.M. Féraud, 1844). Nous avions déjà découvert au fil des pages précédentes des ruines de villages déplacés dans les plaines à partir du XIIIème siècle. Nous sommes également passés par des hameaux abandonnés plus récemment : la Vieille-Vallette, Brigue, Maynarguette ... A Châteauneuf les Moustiers, " la volonté de ses habitants est désormais de garder le village comme témoignage du temps passé. Ce site restera donc un lieu de mémoire pour faire connaître et respecter la vie des gens du haut pays. " (Office de tourisme des gorges du Verdon La Palud sur Verdon - Rougon). N'hésitez pas, ce pays est magnifique ... |
Ci-dessous, le Château Vieux date du XIIe siècle. "
Mentionné pour la première fois en 1062, ce château
a rassemblé sous sa falaise la population de l'oppidum préromain et
des domaines agricoles environnants. "
(http://www.lapaludsurverdon.com).
Les Moustiers érigent le premier " Castellum Novum " qui va
donner son nom à la seigneurie. A partir
du Xe siècle, les
compagnons du comte de Provence, parents des vicomtes de Marseille,
seigneurs d'Apt, de Castellane, de Rougon, comte de Barcelone et roi
d'Aragon, se
disputent la région au travers de batailles,
dots, mariages et autres héritages. |
8 SIÈCLES DE SÉPARATION.
« En 1189, après la
défaite des Castellane face au Comte de
Provence Alphonse 1er, la seigneurie du "castellum novum" des Barris
est démembrée. La partie nord est érigée en seigneurie de Château Neuf
tandis que la partie sud prend le nom de La Palud. »
(http://dossiersinventaire.regionpaca.fr). Par arrêté du 1er février 1974 paru au journal officiel le 28 du même mois, Châteauneuf les Moustiers est de nouveau associée à La Palud-sur-Verdon le 1er mars 1974 après 8 siècles de séparation. |
Evolution
de la
population de Château neuf les Moustiers :
fin du XIVe siècle, après la mort de la reine Jeanne, les Grandes
compagnies, bandes de mercenaires incontrôlés,
font régner la terreur en Provence ; les 50 "feux" de Châteauneuf les
Moustiers en 1301,
ne sont plus que 3 en 1471 ; c'est la première ruine du village qui ne
fut
cependant jamais déserté. Fin XVIe siècle le village bénéficie d'une
nouvelle dynamique et un siècle plus tard, on dénombre 72 maisons
habitées. A partir de 1830, le village décline ; l'isolement, les difficultés d'approvisionnement, l'ère industrielle naissante entraînent un exode inextinguible que la Première Guerre mondiale va précipiter, 19 hommes du village vont en effet y perdre la vie (voir infra). Le destin de Châteauneuf les Moustiers est scellé. Le dernier habitant quitte le village dans les années 1930 ; en 1974, la commune disparaît administrativement pour être "absorbée - fusionnée - associée" à La Palud sur Verdon. Aujourd'hui la cinquantaine d'habitants habitent en grande partie les hameaux de Chauvet, du Ponçonnet et du Plan. |
Superposition temporelle : Châteauneuf les Moustiers dans
les années 1910
et en 2016. |
Arrivée au village, la maison qui domine l'oratoire a servi de presbytère avant les troubles de la Révolution, elle est alors confisquée pour abriter la mairie. Comme beaucoup de maisons, les encadrements de portes ont été enlevés pour être réutilisés. |
Un oratoire "reconverti" en monument aux morts rappelle les
noms de 11 hommes nés à Châteauneuf
les Moustiers et morts au cours de la Grande Guerre : " Guerre 1914 -
1918 A la mémoire des
enfants de
Châteauneuf morts pour la patrie " :
|
Egalement nés à Châteauneuf les Moustiers, les 8 autres noms
sont inscrits dans une niche située sur la façade de la chapelle Saint
Pierre (hameau des Chauvets, voir infra) :
|
Je me souviens alors Marcel Pagnol évoquant son ami Lili, mort lui aussi pendant la Grande guerre : " Mon cher Lili ne l'accompagna pas au petit cimetière de la Treille car il l'y attendait depuis des années, sous un carré d'immortelles : en 1918, dans une noire forêt du Nord, une balle en plein front avait tranché sa jeune vie, et il était tombé sous la pluie, sur des touffes de plantes froides, dont il ne savait même pas le nom ... " |
Le Château Neuf, XIVème siècle. |
" Une situation
pénible du fait de l'absence de voie de communication ... " Au XVIIIe siècle, la route qui relie
Castellane à Moustier Sainte Marie passe par Châteauneuf les Moustiers
comme l'illustre la carte de Cassini ci-dessous (en orange), mais en
hiver elle est
particulièrement difficile. La "nouvelle route départementale" (bleue)
reliant
ces deux premières communes passera finalement par La Palud et plus au
pied du village de Châteauneuf, le village est dès lors menacé. En 1926, cette difficulté de circuler est
soulignée par cet extrait des rapports et délibérations du Conseil
général des Alpes-de-Haute-Provence : " Chemin de grande communication.
Demande de construction du Conseil municipal de Châteauneuf les
Moustiers. Le Conseil municipal de Châteauneuf les Moustiers, par
délibération du 6 décembre 1925, appelle l'attention de
l'administration sur la situation pénible dans laquelle se trouvent les
habitants de cette commune du fait de l'absence de voie de
communication. Il demande, en conséquence, la reprise des travaux de
construction du chemin de grande communication n° 17, interrompue à la
déclaration de guerre. Il ressort d'un rapport du service vicinal, à
ce sujet, que la dépense à prévoir pour la construction sollicitée ne
paraît pas inférieure à 1,500,000 francs et qu'au surplus la voie
envisagée ne serait pas de nature à satisfaire tous les intérêts en
cause. Je ne puis, dans ces conditions, que soumettre au bienveillant
examen du Conseil général la requête du Conseil municipal de
Châteauneuf-les-Moustiers, tout en exprimant la crainte qu'il ne lui
soit pas possible de l'accueillir favorablement. " Effectivement ... |
Trois cartes sont ici superposées : la carte de Cassini
XVIIIème s. - la carte d'état-major (1820-1866) - et celle
d'aujourd'hui. Sur la seconde, l'axe principal ne passe plus par
Châteauneuf-lès-Moustiers mais par La Palud. " Par délibération en date
du 28 février
1926, le chemin de
grande communication n° 17 a son origine à Rougon et se soude à la
route nationale n° 207 à 1 kilomètre environ en aval du village de
Mezel. Les travaux de construction de ce chemin étaient en cours
d'exécution en 1914 et ont dû être interrompus à la déclaration de
guerre, de sorte que cette voie de communication présente encore à
l'heure actuelle 14 kilomètres de lacune s'étendant du hameau des
Subies à Majastres. Il a été exposé dans un précédent rapport que le département des Basses-Alpes, étant donné la modicité de ses ressources ne pouvait songer pour le moment à reprendre les travaux de construction de ces 14 kilomètres de lacune qui entraînerait une dépense d'au moins 1.500.000 francs. " |
" Le Conseil municipal de la commune de Châteauneuf s'est
rangé
d'ailleurs à cette manière de voir et demande seulement que la
construction du chemin soit poursuivie jusqu'au hameau des Périers,
soit sur une longueur de 3 kilomètres environ. Ces travaux permettrait d'assurer à la population répartie dans les hameaux des Subies, des Bondils, des Brochiers et des Périers un débouché direct sur Rougon et Castellane, opération d'un réel intérêt si l'on tient compte que la commune de Chateauneuf ne possède à l'heure actuelle en fait de voies de communication carrossables qu'un réseau de chemins vicinaux, ordinaires en fort mauvais état. Votre deuxième commission vu le grand nombre des projets à inscrire estime qu'il n'est pas possible d'envisager l'exécution de ces travaux avant plusieurs années. Adopté. (Conseil général des Alpes-de-Haute-Provence - 1926). " Le sort en est jeté. |
Ci-dessous, l'église. " La Paroisse de Châteauneuf comprend
le village,
les
hameaux
de
Ponçonnet, les Subis, Ovins, Vaux, Alaves, Aile, Sarpeyes. la Plan et
Maubec ; en tout une population de 310 âmes. Son église paroissiale est
dédiée à saint Pons. Elle ne date que de la fin du XVIIIème siècle. Il
y a une école primaire qui n'est fréquentée que dans la
morte saison. " (Géographie historique et
biographique du département des
Basses-Alpes - JJM Féraud, 1844). |
Mentionnée une première fois dans la bulle de confirmation
des églises dépendant de l'abbaye de Montmajour en 1204 - l'équivalent
du précieux cartulaire de l'abbaye Saint Victor de Marseille - elle
traverse difficilement les siècles, en 1582, ses portes sont cassées ;
plus tard, le toit, le clocher, les escaliers, le crépissage intérieur
et le pavement nécessiteront " des réparations d'une nécessité absolues
". Alors qu'il menaçait de s'écrouler, le clocher fut donc démoli et
reconstruit en 1804. Une messe en plein air y fut célébrée en 1971. Né d'un partenariat entre la commune de La Palud et l'association Alpes de Lumière, des chantiers de bénévoles ont consolidé les ruines de l'église, un cintre en bois (2010-2012) soutient depuis le chevet. |
9 morts, 82 blessés, des chiens, 5 moutons et une jument
tués ! " Le 11 juillet 1819, jour de dimanche, M. Salomé, curé de
Moustiers et commissaire épiscopal se rendit à Châteauneuf pour y
installer un
nouveau recteur. ... Le temps était beau, on remarquait seulement
quelques gros nuages. La messe fut commencée ... lorsqu'on étendit
trois détonations de tonnerre qui se succédèrent
avec la rapidité de l'éclair. ... Le missel lui fut enlevé des mains et
mis en pièces ... Ne manquez pas le récit de ce drame dans le style de son époque : ICI. |
A gauche, la
"Pièce du Puis" (cadastre 1835) borde la route
en contrebas du village de Châteauneuf.
A droite, "La Fontaine", elle est mentionnée sur les cartes fin XVIIIe et située à 700 mètres (à pieds par le chemin) en amont du village, ce point d'eau est cependant très certainement beaucoup plus ancien jouant un rôle déterminant dans l'approvisionnement en eau du village. Un lavoir, autrefois couvert, et un abreuvoir ont été aménagés et prolonge la citerne. Fin XIXe, elle est couverte en tuiles, fournies " par le tuilier Laurans de La Palud. Les trois arbres nécessaires à la charpente ont été " pris dans la forêt communale de Barbin, et sciés par le scieur de long Philip de La Palud. Une partie de l'achat des tuiles a été financée par la vente d'un stock de planches, qui avaient été destinées en premier lieu à couvrir le lavoir. " (http://dossiersinventaire.regionpaca.fr). |
Nous empruntons maintenant une ancienne voie
romaine pour aller voir ... |
Les Romains étaient en effet bien implantés dans la région,
ils
remontaient d'Italie par Castellane, puis Châteautneuf, avant de gagner
Riez qui garde de jolies colonnes monolithes de cette époque. |
En granit rose de l'Estérel, chaque colonne mesure 7 mètres
de haut et constituait la façade orientale d'un
temple,
construit au 1er siècle ap. JC et vraisemblablement dédié à Apollon.
L'édifice fut détruit à la fin de l'Antiquité, et les matériaux
récupérés, mais la colonnade et son support ont été soigneusement
respectés. |
Direction donc les Chauvets le long du ravin du Bau. On reviendra par l'autre versant, toujours par une ancienne voie romaine, au dessus de la ferme des Subis que l'on aperçoit à droite. Car en fait je suis venu pour ... |
En haut des marches ... |
Le "Grotte Notre Dame", aussi nommée "chapelle de Notre-Dame
de la Baume", ou encore " grotte de Notre-Dame ou des Templiers". |
Deux meurtrières ne laissent aucun doute sur un usage défensif qui ne surprend pas. On situe leur construction au XVIe-XVIIe siècle alors que les seigneurs de Rougon, comtes de Carcès, guerre de religions, invasion de la Provence troublent toute la région. |
" On trouve dans son territoire une
grotte qui est en grande
vénération ; la tradition porte qu'un religieux Templier, s'étant évadé
de sa prison, lors du procès célèbre intenté à cet ordre, vint s'y
réfugier, et qu'il y mourut en odeur de sainteté. On y a depuis
construit une chapelle en l'honneur de la Sainte Vierge, où l'on se
rend en procession; le jour de l'Assomption. On croit de plus qu'il y
avait
au hameau de Chauvet un couvent des Templiers ; on y trouve en effet
des masures et des vestiges d'un monastère. " (Géographie
historique et biographique du département des Basses-Alpes - J.J.M.
Féraud, 1844). Laissons les Templiers hanter les
lieux car peu de documents permettent de retracer l'histoire de cette
chapelle sinon une occupation par des convers signalée en 1274 dans un
registre ecclésiastique de Riez. Remarquez le mur de courtine protégeant la partie basse et surtout, une vaste terrasse située au dessus de la grotte de la chapelle, protégée elle aussi par un mur, elle est accessible grâce à un boyau très étroit démarrant au fond de la partie basse (lampe obligatoire). |
La grotte vue de l'autre côté du ravin du Bau. Un pèlerinage
y était organisé le jour de l'Assomption. Début 1970, des abrutis détruisirent une paroi décorée, le sol pavé de carreaux de terre cuite et une cloison sur laquelle la date de 1746 apparaissait. |
La fontaine des Bondils. |
1844, à 1250 m. d'altitude, " La Paroisse de Chauvet
comprend
Chauvet qui en est le
chef-lieu, et les hameaux de Périer, les Bondils Saint-Martin,
Saint-Jean, Brochier, les Paluds et quatre bastides : en tout, une
population dé 266 âmes. L'église paroissiale est dédiée à saint Pierre
: c'était autrefois une
annexe de Châteauneuf desservie par le vicaire de ce lieu. Elle est
construite en forme de grotte. Chauvet s'appelait autrefois Silvet, à
cause des petites forêts qui couvraient son sol. On changea le nom de
Silvet en celui de Chauvet, qui vient de chauve, après que ces bois
eurent été abattus. Il y à une école primaire et un bureau de
bienfaisance. " (Géographie historique et biographique du département
des Basses-Alpes - JJM Féraud, 1844). Aux Chauvets, une chapelle est mentionnée dès 1096 dans une charte de l'abbaye de Montmajour à qui l'évêque de Riez en avait fait don. Ce n'est pas celle de la photo, car il ne subsiste rien de ce premier édifice. Une voie de communication importante passait par là, elle reliait Châteauneuf les Moustiers à la vallée de l'Asse, au nord du plateau de Valensole. Qui dit grand chemin dit "hospitalité" (une sorte d'auberge au Moyen-âge). Il s'en trouvait effectivement une en ce lieu, doublée d'un établissement religieux comme ce fut souvent le cas. Elle perdura jusqu'au XIVe siècle. En 1783, après 50 ans d'efforts, les habitants des hameaux de Périer, des Louches, des Bondils et des Paluds obtinrent l'autorisation de construire une église - celle de la photo - succursale de l'église paroissiale de Châteauneuf-les-Moustiers, elle fut placée sous la protection de Saint Pierre, dont le sanctuaire n'existait plus. |
En redescendant nous croisons un sympathique berger dont le
troupeau avançait bon train, il savait : " C'est là qu'il y en avait
de l'herbe ! Jusque par-dessus les cornes, mon cher ! ... Et quelle
herbe ! Savoureuse, fine, dentelée, faite de mille plantes ... C'était
bien autre chose que le gazon du clos. " Faire parler le cadastre ! Laurent Alexeï présente un travail remarquable sur le site "patrimages.regionpaca.fr". Il décrypte les noms des parcelles pour évaluer les différents patrimoines. Ainsi, à Châteauneuf les Moustiers, il souligne l'importance des près de fauches (Le Pré, Praou, Le Pradon, Le Gros Pra, Pré Long, Pré de Julien, Pré des Enfants, Prés sous le Jardin ...) ; les noms témoignant de la présence d'arbres fruitiers : Périer, Pré du Poirier, la Prune, Clot de Noyer, de l'Amandier ... ; du vin à Vigneroues, Vignasse, Brecs du Vignaou. Suivent les jardins, les aires de battage, l'élevage (Collet de la Caraïre, L'Enchastre, Rocher du Paty ...). On retrouve ici des noms communément rencontrés un peu partout, Le Moulin, Le Tuillier, Four à Chaux, La Bégude ... |
La Palud sur Verdon
Ce village, dit en latin Palus,
tire son nom de palus qui veut dire marais, non qu'on y en trouve
quelqu'un maintenant, mais parce qu'après une forte pluie la plaine
ressemble à un grand réservoir. Ce village est bâti sur un mamelon,
dans une fort jolie plaine, à quelque distance de la rive droite du
Verdon ... Le terroir de La Palud abonde en pétrifications
très curieuses : il produit du blé, du vin, de l'huile, des légumes et
des fruits. Les champignons forment une récolte, lorsqu'il pleut dans
le mois d'août et de septembre. Au quartier de Saint-Maurice, l'on voit
avec admiration, trois grandes prairies situées en amphithéâtre, d'une
hauteur prodigieuse. Une source les arrose en se précipitant de l'une à
l'autre, et forme de très belles cascades. ... La population totale de
La Palud
est de 853 âmes, dont 500 agglomérées et 353 disséminées dans les
hameaux de Boulogne et de Meyreste. L'ancien château subsiste encore au milieu du village. (Géographie historique et biographique du département des Basses-Alpes - J.J.M. Féraud, 1844). |
Le château actuel occupe probablement l'emplacement d'un premier édifice construit fin XIVe - début XVe. Des travaux entrepris juste avant la Révolution lui donne son aspect actuel mais il est alors confisqué et loti, 18 propriétaires se le partagent ! Le château est racheté par la commune en 1894 et après de gros travaux, il abrite depuis la mairie, l'office du Tourisme, le musée de la Maison des Gorges et la bibliothèque. |
L'oratoire Saint-Louis-de-Gonzague. |
A gauche, un oratoire dédié à Saint Jean Baptiste date de la
fin du XXème siècle. A droite l'oratoire Saint Sébastien. |
J'ai là, dans ma Provence, où les lauriers sont beaux, Mon foyer, mon arpent du sol de la patrie, Et je sens à ce nom ma pensée attendrie, Car là j'ai des amis et là j'ai des tombeaux. (Lorsque j'étais enfant - Jean Aicard). |
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" Chute de trois masses de feu sur une église ; neuf personnes tuées, quatre-vingt deux blessés, tous les chiens meurent en conservant leur attitude ". |
Extrait
du " Traité de géographie et de statistique médicales et des maladies
endémiques : comprenant la météorologie et la géologie médicales, les
lois statistiques de la population et de la mortalité, la distribution
géographique des maladies et la pathologie comparée des races humaines.
" Tome 1 - Jean-Christian-Marc Boudin - 1857. " Il y a dans le département des Basses-Alpes, un village appelé Châteauneuf, situé au sommet et à l'extrémité de l'une des premières montagnes des Alpes, qui forment un amphithéâtre sur Moustiers. Il consiste en quatorze maisons réunies au presbytère et à l'église paroissiale, sur une éminence coupée par les angles de deux autres montagnes, l'une au levant, l'autre au couchant. L'intervalle qui sépare le village de la montagne du levant est si étroit et si profond, que l'aspect en est effrayant. 105 habitations sont dispersées en hameaux, presque toutes sur le penchant de la montagne du levant et forment une population de 500 âmes. Le 11 juillet 1819, jour de dimanche, M. Salomé, curé de Moustiers et commissaire épiscopal se rendit à Châteauneuf pour y installer un nouveau recteur. Vers les deux heures et demie, ou se rendit en procession de la maison curiale à l'église. Le temps était beau, on remarquait seulement quelques gros nuages. La messe fut commencée par le nouveau recteur. Un jeune homme de dix-huit ans qui avait accompagné le curé de Moustiers, chantait l'épître, lorsqu'on étendit trois détonations de tonnerre qui se succédèrent avec la rapidité de l'éclair. |
Le missel lui fut enlevé des mains et mis en pièces ; il se
sentit
lui-même serré étroitement au corps par la flamme qui le prit tout de
suite au cou. Ce jeune homme, qui avait d'abord jeté de grands cris,
ferma la bouche, fut renversé, roulé sur les personnes rassemblées dans
l'église, qui toutes avaient été terrassées, et jeté ainsi hors de la
porte. Le curé fut trouvé asphyxié et sans connaissance. On le releva, on éteignit la flamme de son surplis, et l'on parvint à le rappeler à la vie environ deux heures après. Il vomit beaucoup de sang. Il assure n'avoir pas entendu le tonnerre, et n'avoir rien su de ce qui se passait. Le fluide électrique avait touché fortement la partie supérieure du galon d'or de son étole, coulé jusqu'au bas, enlevé un de ses souliers qu'il porta à l'extrémité de l'église et brisé la boucle de métal. Photo de gauche, clocher de l'église et le cintre soutenant le chevet. |
Ses blessures n'ont été cicatrisées que deux mois après. Il
avait une eschare de plusieurs travers de doigt à l'épaule droite ; une
autre s'étendait du milieu postérieur du bras du même côté jusqu'à la
partie moyenne et extérieure de l'avant-bras; une troisième eschare
profonde partait de la partie moyenne et postérieure du bras gauche, et
allait jusqu'à la partie moyenne de l'avant-bras du même côté, une
quatrième plus superficielle et moins étendue au côté externe de la
partie inférieure de la cuisse gauche ; et une cinquième sur la lèvre
supérieure jusqu'au nez. Il a été fatigué d'une insomnie absolue
pendant près de deux mois ; il a eu les bras paralysés, et il souffre
des différentes variations de l'atmosphère. Un jeune enfant fut enlevé au bras de sa mère et porté à six pas plus loin ; on ne le rappela à la vie qu'en lui faisant respirer le grand air. Tout le monde avait les jambes paralysées. Les femmes, échevelées, offraient un spectacle horrible. L'église fut remplie d'une fumée noire et épaisse ; on ne pouvait distinguer les objets qu'à la faveur des flammes des parties de vêtements allumées par la foudre. Huit personnes restèrent sur place ; une fille de dix-neuf ans fut transportée chez elle sans connaissance ; elle expira le lendemain, en proie à des douleurs horribles, à en juger par ses hurlements de sorte que le nombre des personnes mortes est de 9 ; celui des blessés est de 82. Le prêtre célébrant ne fut point atteint. Tous les chiens qui étaient dans l'église furent trouvés morts dans l'attitude qu'ils avaient. Une femme qui était dans une cabane, sur la montagne de Barbin, au couchant de Châteauneuf, vit tomber successivement trois masses de feu qui semblaient devoir réduire ce village en cendres. Il paraît que la foudre frappa d'abord la croix du clocher qu'on trouva plantée dans la fente d'un rocher, à une distance de 16 mètres ; elle pénétra ensuite dans l'église par une brèche qu'elle fit à la voûte, à la distance d'un demi-mètre de celle par où passe la corde d'une cloche ; la chaire fut écrasée. On trouva dans l'église une excavation d'un demi-mètre de diamètre, prolongée sous les fondements du mur jusque sur le pavé de la rue, et une autre qui rentrait sous les fondements d'une écurie, où l'ou trouva morts cinq moutons et une jument. On sonnait les cloches quand la foudre tomba sur l'église. " |
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