Chemin privé !
Châteauneuf les Moustiers, deux châteaux dans un village abandonné.
" Comme j'y passais d'un pas insouciant et lent tous les sons mêlés de la plaine montaient adoucis jusqu'à moi ... Tous ces bruits mêlés dans une charmante confusion arrivaient sous les ombrages et remplissaient les intervalles du chant du rossignol. Mais aujourd'hui on n'entend plus le bruit de la population, la brise n'apporte plus de joyeux murmures, le sentier couvert d'herbe n'est plus foulée par des pas affairés, toute l'animation et tout l'éclat de la vie se sont enfuis. "
(Un village abandonné - Oliver Goldsmith - 1770)


" Ce lieu, dit en latin Castrum novum, tire son nom du château ou de quelques forteresses construite par les seigneurs du lieu (ndlr : les Moustiers). Il est situé sur une montagne isolée, à 14 Km à l'est de Moustiers, et à 36 au sud de Digne. Le territoire produit du blé et des pâturages, qui servent à l'engrais des bestiaux. Les habitants ont déserté le village pour se fixer dans les hameaux de la plaine : Châteauneuf, a été le théâtre de quelques petites guerres que se faisaient entre eux, deux seigneurs du pays. " (Géographie historique et biographique du département des Basses-Alpes - J.J.M. Féraud, 1844).

Nous avions déjà découvert au fil des pages précédentes des ruines de villages déplacés dans les plaines à partir du XIIIème siècle. Nous sommes également passés par des hameaux abandonnés plus récemment : la Vieille-Vallette, Brigue, Maynarguette ... A Châteauneuf les Moustiers, " la volonté de ses habitants est désormais de garder le village comme témoignage du temps passé. Ce site restera donc un lieu de mémoire pour faire connaître et respecter la vie des gens du haut pays. " (Office de tourisme des gorges du Verdon La Palud sur Verdon - Rougon). N'hésitez pas, ce pays est magnifique ...
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Ci-dessous, le Château Vieux date du XIIe siècle. " Mentionné pour la première fois en 1062, ce château a rassemblé sous sa falaise la population de l'oppidum préromain et des domaines agricoles environnants. " (http://www.lapaludsurverdon.com). Les Moustiers érigent le premier " Castellum Novum " qui va donner son nom à la seigneurie. A partir du Xe siècle, les compagnons du comte de Provence, parents des vicomtes de Marseille, seigneurs d'Apt, de Castellane, de Rougon, comte de Barcelone et roi d'Aragon, se disputent la région au travers de batailles, dots, mariages et autres héritages.
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8 SIÈCLES DE SÉPARATION. « En 1189, après la défaite des Castellane face au Comte de Provence Alphonse 1er, la seigneurie du  "castellum novum" des Barris est démembrée. La partie nord est érigée en seigneurie de Château Neuf tandis que la partie sud prend le nom de La Palud. » (http://dossiersinventaire.regionpaca.fr).

Par arrêté du 1er février 1974 paru au journal officiel le 28 du même mois, Châteauneuf les Moustiers est de nouveau associée à La Palud-sur-Verdon le 1er mars 1974 après 8 siècles de séparation.

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Evolution de la population de Château neuf les Moustiers : fin du XIVe siècle, après la mort de la reine Jeanne, les Grandes compagnies, bandes de mercenaires incontrôlés, font régner la terreur en Provence ; les 50 "feux" de Châteauneuf les Moustiers en 1301, ne sont plus que 3 en 1471 ; c'est la première ruine du village qui ne fut cependant jamais déserté. Fin XVIe siècle le village bénéficie d'une nouvelle dynamique et un siècle plus tard, on dénombre 72 maisons habitées.

A partir de 1830, le village décline ; l'isolement, les difficultés d'approvisionnement, l'ère industrielle naissante entraînent un exode inextinguible que la Première Guerre mondiale va précipiter, 19 hommes du village vont en effet y perdre la vie (voir infra). Le destin de Châteauneuf les Moustiers est scellé. Le dernier habitant quitte le village dans les années 1930 ; en 1974, la commune disparaît administrativement pour être "absorbée - fusionnée - associée" à La Palud sur Verdon.

Aujourd'hui la cinquantaine d'habitants habitent en grande partie les hameaux de Chauvet, du Ponçonnet et du Plan.


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Superposition temporelle : Châteauneuf les Moustiers dans les années 1910 et en 2016.
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Arrivée au village, la maison qui domine l'oratoire a servi de presbytère avant les troubles de la Révolution, elle est alors confisquée pour abriter la mairie. Comme beaucoup de maisons, les encadrements de portes ont été enlevés pour être réutilisés.
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Un oratoire "reconverti" en monument aux morts rappelle les noms de 11 hommes nés à Châteauneuf les Moustiers et morts au cours de la Grande Guerre : " Guerre 1914 - 1918 A la mémoire des enfants de Châteauneuf morts pour la patrie " :
  • MEISSEL Eugène : né le 26/07/1882, chasseur de 1ère classe du 24ème bataillon de chasseurs alpins ; mobilisé en août 1914 au 23ème BC, transféré au 24ème BC en septembre 1914, Mort pour la France, tué à l'ennemi le 16/11/1914 à Ypres en Belgique.
  • GUICHARD A. : malheureusement, pas d'informations.
  • CONSTANTIN Jean Joseph Gabriel : né le 17/03/1888 à Châteauneuf les Moustiers, Soldat du 106ème Régiment d'Artillerie Lourde Hippomobile, Mort pour la France le 29/08/1917 à l'âge de 29 ans, décédé "des suites de maladie contractée en service".
  • CONSTANTIN G. : malheureusement, pas d'informations.
  • CONSTANTIN B. : malheureusement, pas d'information mais CONSTANTIN Ernest Martial, né à Châteauneuf les Moustiers le 21/06/1898. Soldat du 7ème régiment d'infanterie, Mort pour la France, Tué à l'ennemi le 24/04/1918 à Hourges dans la Somme.
  • ABERT Ernest Casimir : né le 05/11/1896 à Châteauneuf les Moustiers, incorporé le 12 avril 1915 comme soldat au 111ème Régiment d'Infanterie, Mort pour la France le 12/01/1916 à l'âge de 19 ans, décédé des suites de ses blessures.
  • BONDIL Hypolite Marius : né le 06/10/1885 à Châteauneuf les Moustiers. Il effectue son Service militaire au 3ème Régiment d'Infanterie (R.I.) de 1906 à 1908. Mobilisé au 3e R.I. en août 1914, blessé à Manonville (?) le 11 juin 1915 il est alors évacué, il est de nouveau au front le 2 décembre 1915 au 203ème R.I. à la compagnie de mitrailleuses. Mort pour la France, Tué à l'ennemi le 10/06/1916 à l'âge de 30 ans à Cumières-Le-Mort-Homme dans la Meuse, il est inhumé à la Nécropole nationale Glorieux située à Verdun. Cité à titre posthume à l'ordre de la brigade le 08/07/1916, il est décoré de la médaille militaire le 15 mai 1919, Croix de guerre avec étoile de bronze.
  • BONDIL Marcelin Marius : né le 02/06/1891 à Châteauneuf les Moustiers (frère d'Hypolite Marius Bondil) canonnier au 19ème Régiment d'Artillerie de Campagne, Mort pour la France le 11/11/1918 à l'âge de 27 ans, à Sofia en Bulgarie, décédé "des suites de maladie contractée en service". Il est inhumé au carré militaire du cimetière central de Sofia.
  • MERLAC Ephrem Jean Baptiste Jules : né le 30/05/1879 à Châteauneuf les Moustiers. Il effectue son Service militaire au 111ème régiment d'Infanterie de 1900 à 1903. Mobilisé en août 1914 au 145ème RIT, transféré au 141ème R.I. le 18 septembre 1914 puis au au 341ème R.I. le 28 septembre 1914, Mort pour la France, Tué à l'ennemi le 17/06/1916 à l'âge de 37 ans à Cumières-Le-Mort-Homme dans la Meuse. Décoré de la Médaille militaire à titre posthume (Journal Officiel du 4 mai 1921).
  • LAURENT Ladislas - (orthographe : LAURANS) : né le 04/06/1887 à Châteauneuf les Moustiers. Soldat au 3ème Régiment d'Infanterie. Mort pour la France, "Disparu", le 20/09/1914 à l'âge de 27 ans à Béthincourt dans la Meuse.
  • GUICHARD Bienvenu Eugène : né le 06/01/1887 à Châteauneuf les Moustiers. Soldat au 3ème Régiment d'Infanterie. Mort pour la France le 22/05/1917 à La Panne en Belgique, mort des suites de ses blessures. Il est inhumé dans la Nécropole nationale Notre-Dame-de-Lorette à Ablain-Saint-Nazaire (Pas-de-Calais).
Egalement inscrit le nom de "Robert Scipion 1939-1945". Militaire au 55ème RIA, Mort pour la France le 02-11-1939 à Guizing (Bettviller, Moselle), décédé sous un bombardement.
chateauneuf les moustiers Egalement nés à Châteauneuf les Moustiers, les 8 autres noms sont inscrits dans une niche située sur la façade de la chapelle Saint Pierre (hameau des Chauvets, voir infra) :
  • BONDIL G, né le 07/07/1882. Soldat au 157ème Régiment d'Infanterie. Mort pour la France le 06/09/1914 des suites de ses blessures à Gap, à l'âge de 22 ans.
  • ABBES C, né le 09/08/1879, Chasseur au 7ème Bataillon de Chasseurs Alpins, Mort pour la France, Tué à l'ennemi le 28/03/2015 à Wattwiller (Haut-Rhin), à l'âge de 35 ans.
  • BONDIL A, né le 27/06/1886. Marsouin du 6ème Régiment d'Infanterie Coloniale, Mort pour la France le 27/09/1915 à l'âge de 29 ans à Bussy-le-Château (Marne),
  • LAURENT J, né le 20/08/1892. Soldat au 163ème Régiment d'Infanterie, Mort pour la France le 13/01/1915 à l'âge de 22 ans, à Ansauville (Meurthe et Moselle), décédé des suites de ses blessures.
  • LAURENT F, né le 29/03/1882. Soldat au 3ème Régiment d'Infanterie. Mort pour la France le 20/09/1914, à l'âge de 32 ans à Béthincourt, "Disparu".
  • ABERT A. Né le 02/03/1878. Soldat du 4ème Régiment de Zouaves, Mort pour la France le 12/12/1914 à Ypres en Belgique.
  • BOYER J. Né le 09/11/1970. Soldat du 145ème Régiment territorial d'Infanterie, mort le 01/12/1915 d'une "maladie aggravée au service" à l'hôpital Michel Levy de Marseille.
  • ABBES C. Né le 22/11/1898. Soldat au 113ème Régiment d'Infanterie, Mort pour la France le 15/09/1918 à Lixières (aujourd'hui Belleau, Meurthe et Moselle). Inhumé à la Nécropole nationale de Champenoux (Meurthe et Moselle).
Je me souviens alors Marcel Pagnol évoquant son ami Lili, mort lui aussi pendant la Grande guerre : " Mon cher Lili ne l'accompagna pas au petit cimetière de la Treille car il l'y attendait depuis des années, sous un carré d'immortelles : en 1918, dans une noire forêt du Nord, une balle en plein front avait tranché sa jeune vie, et il était tombé sous la pluie, sur des touffes de plantes froides, dont il ne savait même pas le nom ... "
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Le Château Neuf, XIVème siècle.


" Une situation pénible du fait de l'absence de voie de communication ... "

Au XVIIIe siècle, la route qui relie Castellane à Moustier Sainte Marie passe par Châteauneuf les Moustiers comme l'illustre la carte de Cassini ci-dessous (en orange), mais en hiver elle est particulièrement difficile. La "nouvelle route départementale" (bleue) reliant ces deux premières communes passera finalement par La Palud et plus au pied du village de Châteauneuf, le village est dès lors menacé.

En 1926, cette difficulté de circuler est soulignée par cet extrait des rapports et délibérations du Conseil général des Alpes-de-Haute-Provence : " Chemin de grande communication. Demande de construction du Conseil municipal de Châteauneuf les Moustiers. Le Conseil municipal de Châteauneuf les Moustiers, par délibération du 6 décembre 1925, appelle l'attention de l'administration sur la situation pénible dans laquelle se trouvent les habitants de cette commune du fait de l'absence de voie de communication. Il demande, en conséquence, la reprise des travaux de construction du chemin de grande communication n° 17, interrompue à la déclaration de guerre.

Il ressort d'un rapport du service vicinal, à ce sujet, que la dépense à prévoir pour la construction sollicitée ne paraît pas inférieure à 1,500,000 francs et qu'au surplus la voie envisagée ne serait pas de nature à satisfaire tous les intérêts en cause. Je ne puis, dans ces conditions, que soumettre au bienveillant examen du Conseil général la requête du Conseil municipal de Châteauneuf-les-Moustiers, tout en exprimant la crainte qu'il ne lui soit pas possible de l'accueillir favorablement. " Effectivement ...

Trois cartes sont ici superposées : la carte de Cassini XVIIIème s. - la carte d'état-major (1820-1866) - et celle d'aujourd'hui. Sur la seconde, l'axe principal ne passe plus par Châteauneuf-lès-Moustiers mais par La Palud. " Par délibération en date du 28 février 1926, le chemin de grande communication n° 17 a son origine à Rougon et se soude à la route nationale n° 207 à 1 kilomètre environ en aval du village de Mezel. Les travaux de construction de ce chemin étaient en cours d'exécution en 1914 et ont dû être interrompus à la déclaration de guerre, de sorte que cette voie de communication présente encore à l'heure actuelle 14 kilomètres de lacune s'étendant du hameau des Subies à Majastres.

Il a été exposé dans un précédent rapport que le département des Basses-Alpes, étant donné la modicité de ses ressources ne pouvait songer pour le moment à reprendre les travaux de construction de ces 14 kilomètres de lacune qui entraînerait une dépense d'au moins 1.500.000 francs. "

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" Le Conseil municipal de la commune de Châteauneuf s'est rangé d'ailleurs à cette manière de voir et demande seulement que la construction du chemin soit poursuivie jusqu'au hameau des Périers, soit sur une longueur de 3 kilomètres environ.

Ces travaux permettrait d'assurer à la population répartie dans les hameaux des Subies, des Bondils, des Brochiers et des Périers un débouché direct sur Rougon et Castellane, opération d'un réel intérêt si l'on tient compte que la commune de Chateauneuf ne possède à
l'heure actuelle en fait de voies de communication carrossables qu'un réseau de chemins vicinaux, ordinaires en fort mauvais état.

Votre deuxième commission vu le grand nombre des projets à inscrire estime qu'il n'est pas possible d'envisager l'exécution de ces travaux avant plusieurs années. Adopté. (Conseil général des Alpes-de-Haute-Provence - 1926). "

Le sort en est jeté.

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Ci-dessous, l'église. " La Paroisse de Châteauneuf comprend le village, les hameaux de Ponçonnet, les Subis, Ovins, Vaux, Alaves, Aile, Sarpeyes. la Plan et Maubec ; en tout une population de 310 âmes. Son église paroissiale est dédiée à saint Pons. Elle ne date que de la fin du XVIIIème siècle. Il y a une école primaire qui n'est fréquentée que dans la morte saison. " (Géographie historique et biographique du département des Basses-Alpes - JJM Féraud, 1844).
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Mentionnée une première fois dans la bulle de confirmation des églises dépendant de l'abbaye de Montmajour en 1204 - l'équivalent du précieux cartulaire de l'abbaye Saint Victor de Marseille - elle traverse difficilement les siècles, en 1582, ses portes sont cassées ; plus tard, le toit, le clocher, les escaliers, le crépissage intérieur et le pavement nécessiteront " des réparations d'une nécessité absolues ". Alors qu'il menaçait de s'écrouler, le clocher fut donc démoli et reconstruit en 1804. Une messe en plein air y fut célébrée en 1971.

Né d'un partenariat entre la commune de La Palud et l'association Alpes de Lumière, des chantiers de bénévoles ont consolidé les ruines de l'église, un cintre en bois (2010-2012) soutient depuis le chevet.
chateauneuf les moustiers
9 morts, 82 blessés, des chiens, 5 moutons et une jument tués ! " Le 11 juillet 1819, jour de dimanche, M. Salomé, curé de Moustiers et commissaire épiscopal se rendit à Châteauneuf pour y installer un nouveau recteur. ... Le temps était beau, on remarquait seulement quelques gros nuages. La messe fut commencée ... lorsqu'on étendit trois détonations de tonnerre qui se succédèrent avec la rapidité de l'éclair. ... Le missel lui fut enlevé des mains et mis en pièces ...

Ne manquez pas le récit de ce drame dans le style de son époque : ICI.

Châteauneuf-les-Moustiers puits
A gauche, la "Pièce du Puis" (cadastre 1835) borde la route en contrebas du village de Châteauneuf.

A droite, "La Fontaine", elle est mentionnée sur les cartes fin XVIIIe et située à 700 mètres (à pieds par le chemin) en amont du village, ce point d'eau est cependant très certainement beaucoup plus ancien jouant un rôle déterminant dans l'approvisionnement en eau du village. Un lavoir, autrefois couvert, et un abreuvoir ont été aménagés et prolonge la citerne. Fin XIXe, elle est couverte en tuiles, fournies " par le tuilier Laurans de La Palud. Les trois arbres nécessaires à la charpente ont été " pris dans la forêt communale de Barbin, et sciés par le scieur de long Philip de La Palud. Une partie de l'achat des tuiles a été financée par la vente d'un stock de planches, qui avaient été destinées en premier lieu à couvrir le lavoir. " (http://dossiersinventaire.regionpaca.fr).

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Nous empruntons maintenant une ancienne voie romaine pour aller voir ...
voie romaine provence chateauneuf les moustiers
Les Romains étaient en effet bien implantés dans la région, ils remontaient d'Italie par Castellane, puis Châteautneuf, avant de gagner Riez qui garde de jolies colonnes monolithes de cette époque.
colonne temple romain riez var
En granit rose de l'Estérel, chaque colonne mesure 7 mètres de haut et constituait la façade orientale d'un temple, construit au 1er siècle ap. JC et vraisemblablement dédié à Apollon. L'édifice fut détruit à la fin de l'Antiquité, et les matériaux récupérés, mais la colonnade et son support ont été soigneusement respectés.

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Direction donc les Chauvets le long du ravin du Bau. On reviendra par l'autre versant, toujours par une ancienne voie romaine, au dessus de la ferme des Subis que l'on aperçoit à droite. Car en fait je suis venu pour ...
la palud sur verdon
En haut des marches ...
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Le "Grotte Notre Dame", aussi nommée "chapelle de Notre-Dame de la Baume", ou encore " grotte de Notre-Dame ou des Templiers".
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Deux meurtrières ne laissent aucun doute sur un usage défensif qui ne surprend pas. On situe leur construction au XVIe-XVIIe siècle alors que les seigneurs de Rougon, comtes de Carcès, guerre de religions, invasion de la Provence troublent toute la région.
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" On trouve dans son territoire une grotte qui est en grande vénération ; la tradition porte qu'un religieux Templier, s'étant évadé de sa prison, lors du procès célèbre intenté à cet ordre, vint s'y réfugier, et qu'il y mourut en odeur de sainteté. On y a depuis construit une chapelle en l'honneur de la Sainte Vierge, où l'on se rend en procession; le jour de l'Assomption. On croit de plus qu'il y avait au hameau de Chauvet un couvent des Templiers ; on y trouve en effet des masures et des vestiges d'un monastère. " (Géographie historique et biographique du département des Basses-Alpes - J.J.M. Féraud, 1844). Laissons les Templiers hanter les lieux car peu de documents permettent de retracer l'histoire de cette chapelle sinon une occupation par des convers signalée en 1274 dans un registre ecclésiastique de Riez.

Remarquez le mur de courtine protégeant la partie basse et surtout, une vaste terrasse située au dessus de la grotte de la chapelle, protégée elle aussi par un mur, elle est accessible grâce à un boyau très étroit démarrant au fond de la partie basse (lampe obligatoire).


La grotte vue de l'autre côté du ravin du Bau. Un pèlerinage y était organisé le jour de l'Assomption.

Début 1970, des abrutis détruisirent une paroi décorée, le sol pavé de carreaux de terre cuite et une cloison sur laquelle la date de 1746 apparaissait.


La fontaine des Bondils.

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1844, à 1250 m. d'altitude, " La Paroisse de Chauvet comprend Chauvet qui en est le chef-lieu, et les hameaux de Périer, les Bondils Saint-Martin, Saint-Jean, Brochier, les Paluds et quatre bastides : en tout, une population dé 266 âmes. L'église paroissiale est dédiée à saint Pierre : c'était autrefois une annexe de Châteauneuf desservie par le vicaire de ce lieu. Elle est construite en forme de grotte. Chauvet s'appelait autrefois Silvet, à cause des petites forêts qui couvraient son sol. On changea le nom de Silvet en celui de Chauvet, qui vient de chauve, après que ces bois eurent été abattus. Il y à une école primaire et un bureau de bienfaisance. " (Géographie historique et biographique du département des Basses-Alpes - JJM Féraud, 1844).

Aux Chauvets, une chapelle est mentionnée dès 1096 dans une charte de l'abbaye de Montmajour à qui l'évêque de Riez en avait fait don. Ce n'est pas celle de la photo, car il ne subsiste rien de ce premier édifice. Une voie de communication importante passait par là, elle reliait Châteauneuf les Moustiers à la vallée de l'Asse, au nord du plateau de Valensole. Qui dit grand chemin dit "hospitalité" (une sorte d'auberge au Moyen-âge). Il s'en trouvait effectivement une en ce lieu, doublée d'un établissement religieux comme ce fut souvent le cas. Elle perdura jusqu'au XIVe siècle.

En 1783, après 50 ans d'efforts, les habitants des hameaux de Périer, des Louches, des Bondils et des Paluds obtinrent l'autorisation de construire une église - celle de la photo - succursale de l'église paroissiale de Châteauneuf-les-Moustiers, elle fut placée sous la protection de Saint Pierre, dont le sanctuaire n'existait plus.


En redescendant nous croisons un sympathique berger dont le troupeau avançait bon train, il savait : " C'est là qu'il y en avait de l'herbe ! Jusque par-dessus les cornes, mon cher ! ... Et quelle herbe ! Savoureuse, fine, dentelée, faite de mille plantes ... C'était bien autre chose que le gazon du clos. "

Faire parler le cadastre ! Laurent Alexeï présente un travail remarquable sur le site "patrimages.regionpaca.fr". Il décrypte les noms des parcelles pour évaluer les différents patrimoines. Ainsi, à Châteauneuf les Moustiers, il souligne l'importance des près de fauches (Le Pré, Praou, Le Pradon, Le Gros Pra, Pré Long, Pré de Julien, Pré des Enfants, Prés sous le Jardin ...) ; les noms témoignant de la présence d'arbres fruitiers : Périer, Pré du Poirier, la Prune, Clot de Noyer, de l'Amandier ... ; du vin à Vigneroues, Vignasse, Brecs du Vignaou. Suivent les jardins, les aires de battage, l'élevage (Collet de la Caraïre, L'Enchastre, Rocher du Paty ...). On retrouve ici des noms communément rencontrés un peu partout, Le Moulin, Le Tuillier, Four à Chaux, La Bégude ...

La Palud sur Verdon
Ce village, dit en latin Palus, tire son nom de palus qui veut dire marais, non qu'on y en trouve quelqu'un maintenant, mais parce qu'après une forte pluie la plaine ressemble à un grand réservoir. Ce village est bâti sur un mamelon, dans une fort jolie plaine, à quelque distance de la rive droite du Verdon ... Le terroir de La Palud abonde en pétrifications très curieuses : il produit du blé, du vin, de l'huile, des légumes et des fruits. Les champignons forment une récolte, lorsqu'il pleut dans le mois d'août et de septembre. Au quartier de Saint-Maurice, l'on voit avec admiration, trois grandes prairies situées en amphithéâtre, d'une hauteur prodigieuse. Une source les arrose en se précipitant de l'une à l'autre, et forme de très belles cascades. ... La population totale de La Palud est de 853 âmes, dont 500 agglomérées et 353 disséminées dans les hameaux de Boulogne et de Meyreste.

L'ancien château subsiste encore au milieu du village. (Géographie historique et biographique du département des Basses-Alpes - J.J.M. Féraud, 1844).

Le château actuel occupe probablement l'emplacement d'un premier édifice construit fin XIVe - début XVe. Des travaux entrepris juste avant la Révolution lui donne son aspect actuel mais il est alors confisqué et loti, 18 propriétaires se le partagent ! Le château est racheté par la commune en 1894 et après de gros travaux, il abrite depuis la mairie, l'office du Tourisme, le musée de la Maison des Gorges et la bibliothèque.

L'oratoire Saint-Louis-de-Gonzague.
la palud sur verdon oratoire
A gauche, un oratoire dédié à Saint Jean Baptiste date de la fin du XXème siècle. A droite l'oratoire Saint Sébastien.
J'ai là, dans ma Provence, où les lauriers sont beaux,
Mon foyer, mon arpent du sol de la patrie,
Et je sens à ce nom ma pensée attendrie,
Car là j'ai des amis et là j'ai des tombeaux.
(Lorsque j'étais enfant - Jean Aicard).

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" Chute de trois masses de feu sur une église ; neuf personnes tuées, quatre-vingt deux blessés, tous les chiens meurent en conservant leur attitude ".
Extrait du " Traité de géographie et de statistique médicales et des maladies endémiques : comprenant la météorologie et la géologie médicales, les lois statistiques de la population et de la mortalité, la distribution géographique des maladies et la pathologie comparée des races humaines. " Tome 1 - Jean-Christian-Marc Boudin - 1857.

" Il y a dans le département des Basses-Alpes, un village appelé Châteauneuf, situé au sommet et à l'extrémité de l'une des premières montagnes des Alpes, qui forment un amphithéâtre sur Moustiers. Il consiste en quatorze maisons réunies au presbytère et à l'église paroissiale, sur une éminence coupée par les angles de deux autres montagnes, l'une au levant, l'autre au couchant. L'intervalle qui sépare le village de la montagne du levant est si étroit et si profond, que l'aspect en est effrayant. 105 habitations sont dispersées en hameaux, presque toutes sur le penchant de la montagne du levant et forment une population de 500 âmes.

Le 11 juillet 1819, jour de dimanche, M. Salomé, curé de Moustiers et commissaire épiscopal se rendit à Châteauneuf pour y installer un nouveau recteur. Vers les deux heures et demie, ou se rendit en procession de la maison curiale à l'église. Le temps était beau, on remarquait seulement quelques gros nuages. La messe fut commencée par le nouveau recteur. Un jeune homme de dix-huit ans qui avait accompagné le curé de Moustiers, chantait l'épître, lorsqu'on étendit trois détonations de tonnerre qui se succédèrent avec la rapidité de l'éclair.
Le missel lui fut enlevé des mains et mis en pièces ; il se sentit lui-même serré étroitement au corps par la flamme qui le prit tout de suite au cou. Ce jeune homme, qui avait d'abord jeté de grands cris, ferma la bouche, fut renversé, roulé sur les personnes rassemblées dans l'église, qui toutes avaient été terrassées, et jeté ainsi hors de la porte.

Le curé fut trouvé asphyxié et sans connaissance. On le releva, on éteignit la flamme de son surplis, et l'on parvint à le rappeler à la vie environ deux heures après. Il vomit beaucoup de sang. Il assure n'avoir pas entendu le tonnerre, et n'avoir rien su de ce qui se passait. Le fluide électrique avait touché fortement la partie supérieure du galon d'or de son étole, coulé jusqu'au bas, enlevé un de ses souliers qu'il porta à l'extrémité de l'église et brisé la boucle de métal.


Photo de gauche, clocher de l'église et le cintre soutenant le chevet.

Ses blessures n'ont été cicatrisées que deux mois après. Il avait une eschare de plusieurs travers de doigt à l'épaule droite ; une autre s'étendait du milieu postérieur du bras du même côté jusqu'à la partie moyenne et extérieure de l'avant-bras; une troisième eschare profonde partait de la partie moyenne et postérieure du bras gauche, et allait jusqu'à la partie moyenne de l'avant-bras du même côté, une quatrième plus superficielle et moins étendue au côté externe de la partie inférieure de la cuisse gauche ; et une cinquième sur la lèvre supérieure jusqu'au nez. Il a été fatigué d'une insomnie absolue pendant près de deux mois ; il a eu les bras paralysés, et il souffre des différentes variations de l'atmosphère.

Un jeune enfant fut enlevé au bras de sa mère et porté à six pas plus loin ; on ne le rappela à la vie qu'en lui faisant respirer le grand air. Tout le monde avait les jambes paralysées. Les femmes, échevelées, offraient un spectacle horrible. L'église fut remplie d'une fumée noire et épaisse ; on ne pouvait distinguer les objets qu'à la faveur des flammes des parties de vêtements allumées par la foudre. Huit personnes restèrent sur place ; une fille de dix-neuf ans fut transportée chez elle sans connaissance ; elle expira le lendemain, en proie à des douleurs horribles, à en juger par ses hurlements de sorte que le nombre des personnes mortes est de 9 ; celui des blessés est de 82. Le prêtre célébrant ne fut point atteint. Tous les chiens qui étaient dans l'église furent trouvés morts dans l'attitude qu'ils avaient.

Une femme qui était dans une cabane, sur la montagne de Barbin, au couchant de Châteauneuf, vit tomber successivement trois masses de feu qui semblaient devoir réduire ce village en cendres. Il paraît que la foudre frappa d'abord la croix du clocher qu'on trouva plantée dans la fente d'un rocher, à une distance de 16 mètres ; elle pénétra ensuite dans l'église par une brèche qu'elle fit à la voûte, à la distance d'un demi-mètre de celle par où passe la corde d'une cloche ; la chaire fut écrasée. On trouva dans l'église une excavation d'un demi-mètre de diamètre, prolongée sous les fondements du mur jusque sur le pavé de la rue, et une autre qui rentrait sous les fondements d'une écurie, où l'ou trouva morts cinq moutons et une jument. On sonnait les cloches quand la foudre tomba sur l'église. "

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