" À l'échelle
nationale, la
fouille du site de Rougiers s'est imposée comme un « modèle idéal »
dont Jean Chapelot et Robert Fossier éclairent le caractère pionnier en
1980 : « Le village fouillé à Rougiers est, à plusieurs points de vue,
d'un intérêt exceptionnel : d'abord parce que son étude, amorcée
dès 1961 par Gabrielle Démians d'Archimbaud [ ...] était, à cette date,
la première entreprise moderne de fouille d'un village médiéval en
France ; ensuite parce qu'encore actuellement ce site reste le plus
gros effort archéologique français visant à explorer aussi
exhaustivement que possible un site rural médiéval, par ailleurs d'une
grande ampleur et d'une certaine complexité ; enfin parce que cet
habitat, par la durée de son occupation, la richesse du matériel
archéologique, la finesse et la qualité des observations faites lors de
la fouille, le contexte régional enfin où il se situe, est d'une
importance considérable ! ». " (Hommage à Gabrielle Démians
d’Archimbaud,
1929-2017 - Aux fondements de l'archéologie Médiévale française ;
la3m.cnrs.fr).
|
Le castrum de Rougiers fut fouillé de 1961 à 1968 sous la
direction de Gabrielle Démians d’Archimbaud. Cette dernière publia les
résultats de ces recherches sous le titre «
Les fouilles de Rougiers (Var) ; contribution à l'archéologie de
l'habitat rural médiéval en pays méditerranéen » paru en 1982 aux
éditions du CNRS (724 pages). Cinquante-cinq zones de fouilles furent définies à l'emplacement du château (1er plan) et de la basse-cour (à droite des deux tours du fond) et du village médiéval, ce dernier fournissant un matériel extrêmement abondant et bien stratifié ... |
Les fouilles ont permis de positionner une cuisine au pied
de
la tour et un four dans la pointe de l'angle au premier plan. A droite,
le donjon (carré)et derrière moi à droite, une citerne. |
L' "immense" oratoire ! Ainsi qualifié par la Panurgie
d'internet. Je serai plus mesuré. |
" ROUGIERS. Canton de St-Maximin, Arrondissement de
Brignoles, Var. En latin Rothgerium, Rogerium, Roger, Rodgarium, en
provençal Rougier, était du diocèse d'Aix et de la viguerie de
St-Maximin. Porte : d'argent, à un rouget, de gueules de couleur
rouge." (Armorial des communes de Provence, Louis J S. de Bresc, 1866). |
" Dans ce village perché dont la fouille commence en 1961,
certaines maisons avaient des murs conservés en élévation sur plusieurs
mètres. " (Gabrielle Démians d'Archimbaud). |
Bien avant notre castrum, les premiers habitants des
collines de Rougiers avaient
préféré la crête de Piègu située 1 km plus à l'ouest, mais vers la fin
du XIIème siècle, ils lui préfèrent la colline Saint Jean, c'est là
qu'ils vont y développer l'ensemble médiéval qui nous est
parvenu, un château, une chapelle et un village fortifié. |
De droite à gauche, la château, la chapelle Saint Jean
de Solferino, l'oratoire avec juste devant la statue de la Vierge à
l'enfant, un peu plus bas, la table
d'orientation sur le premier promontoire et enfin les ruines de
l'ancien
village. |
" Gabrielle Démians d’Archimbaud ... Cette grande dame, fut, avec Michel de Bouärd, à l’origine du développement de l’archéologie médiévale en France. C’est en conduisant le chantier école du village déserté de Rougiers (Var) qu’elle s’est trouvée, avec son équipe, aux prises avec un matériel céramique aussi abondant que méconnu. 92 000 tessons lui imposèrent une approche nouvelle et systématique qui manquait alors cruellement de références. " (aiecm3.com) |
" Si le village féodal de Rougiers répond dans sa création d'ensemble aux nécessités agricoles ou militaires de l'extrême fin du XIIe siècle, celles-ci durent se modifier assez vite. Dès le milieu du XIIIe siècle, l'on constata en effet une évolution tendant non à l'abandon du site, mais à sa transformation : l'occupation semble moins intense et moins régulière. Foyers, monnaies, matériel se raréfient, tandis que les silos construits au centre du village sont transformés en dépotoirs, et que les cloisonnements multipliés le long des enceintes conduisent à l'abandon pratique du système défensif. Signes qui ne peuvent s'expliquer que par un dédoublement de l'agglomération, le premier hameau de plaine, connu par un texte à partir du début du XIVième siècle, ayant dû être organisé dès cette période. " (Gabrielle Démians d'Archimbaud, Actes du 90e Congrès national des sociétés savantes, Nice, 1965. Section d'archéologie, 1966). |
A gauche, le Donjon avec devant, les ruines d'une tour
carrée et à
sa droite la tour la plus orientale. Et c'est encore l'abbaye
Saint-Victor de Marseille qui témoigne de
l'existence d'un "castellum vel villa de
Rothgerium". En effet en 1040, elle reçoit une partie du site par
donation de Fouque et de sa femme Odile. Un siècle plus tard, Guillaume
de Signes est le seigneur de la place. |
En 1540, 2 maisons seulement étaient habitées. |
Deux silos situés au pied du mur du premier plan ont fait l'objet de fouilles. Le grand mur du second plan abritait la chapelle castrale. |
Vous pouvez amuser vos enfants à compter les archères. |
" Restée longtemps à l'écart des champs de recherches les plus actifs, l'étude des céramiques médiévales présente cependant un intérêt certain. « Fossiles directeurs » de toute fouille stratigraphique, moins trompeurs que tant d'autres vestiges d'apparence plus spectaculaire — ou même que certains textes — les humbles tessons retrouvés « en place », sur le sol des habitats, des églises, et des nécropoles fouillés minutieusement, ou dans des dépotoirs nettement circonscrits, apportent des renseignements précieux aussi bien sur le plan chronologique que sur l'état de l'économie et des échanges en un temps précis. " (Gabrielle Démians d'Archimbaud, Actes du 94e Congrès national des sociétés savantes, Pau, 1969, Section d'archéologie et d'histoire de l'art). |
Latrines. |
La tour ouest, dite à éperon, protégeait l'entrée du
château, " le tout construit avec soin en maçonnerie à double parement
de moellons équarris et assisés et chaînes d'angle en pierre de
taille." (Inventaire général du patrimoine culturel - culture.gouv.fr). |
Les vieux villages se sont déplacés dans les plaines, rarement les chapelles. |
La chapelle Saint Jean de Solferino est
toujours intégrée aux ruines du castrum. Elle a été construite en 1860,
mais point de "Jean de
Solferino", cette particule commémore simplement la bataille éponyme
associée au passage des troupes de Napoléon III dans la région,
vainqueur des troupes autrichiennes en Italie le 24 juin 1859. |
Remarquez au fond en bas à droite l'ancienne statue qui
dominait
Rougiers avant d'être remplacée par celle ci-dessous - quand - qui ? |
La statue vue de la table d'orientation et gravures sur la face sud de l'oratoire. |
Un chemin en calade et des escaliers permettent d'accéder au
village médiéval. |
Un autre oratoire est situé sur le chemin de randonnée qui
relie le village à celui-ci. |
Plusieurs abris témoignent d'un habitat qui pouvait aussi
être troglodhytique. |
L'étroitesse de l'éperon ont parfois obligé les habitants à
tailler la roche comme à gauche. |
A droite, aménagement d'une niche de rangement à l'intérieur
d'une habitation. |
A droite, le trou dans le mur devait servir à la
canalisation de
l'eau. |
Vers 1340, l'installation
d'une verrerie redynamise le village perché. La peste de 1385 dévaste
la région, elle est prolongée par une période de pillages qui contribue
alors à un renforcement de l'occupation de l'éperon rocheux
redevenu un lieu de refuge. " ... la fouille a prouvé (scories, déchets, creusets) l'existence d'une verrerie sur le site : l'eau, le bois de hêtre et le sable siliceux ne manquent pas dans la région ; il a été trouvé 6 090 fragments de verres : verres à boire, coupelles, lampes, petits récipients, flacons, ainsi que 300 fragments de creusets. " (Bulletin de l'Académie du Var, 1983). |
" Les différents objets de verre, os, bronze, fer.
fournissent de premiers renseignements sur l'évolution de l'outillage
ou du décor quotidien. Les poteries enfin, datées par leur position
dans les différents niveaux, et fort abondantes, donnent de précieuses
indications sur les transformations de ce matériel usuel dont la valeur
chronologique est grande, complétant les renseignements fournis par les
différentes et nombreuses monnaies trouvées en place. " (Gabrielle
Démians d'Archimbaud,
Actes du 90e Congrès national des sociétés savantes, Nice,
1965. Section d'archéologie, 1966). " ... de la céramique (93 919 tessons au total) tout d'abord celle de tradition antique : sigillés claires et orangées, estampées grises, communes grise et brune, glaçurées, sgraffito et majoliques archaïques, verre, outillage lithique, métallique et osseux. La céramique médiévale (céramique commune) de catégorie dite B3 (pâte grise non glaçurée 37 811 tessons, soit 42,6%) B2 (pâte claire à glaçure plombifère 7 027 tessons, soit 7,9 %) enfin B1 (pâte rouge à glaçure plombifère 45 852 tessons, soit 49,5 %). Enfin la céramique fine 8 403 tessons, soit 3,6 % du total, qui se subdivise en : — céramique à décor de sgraffitto antique occidental ; — céramique à décor au cobalt et manganèse sur émail stannifère ; — groupe des majoliques archaïques ; — céramique à décor au cobalt à lustre métallique et celle à couvercle monochrome. " (Bulletin de l'académie du Var, 1983). A gauche en haut : Rougiers, fouilles XLI-XLIII, niveau 1, n° 94. Écuelle, décor triangulaire au lustre métallique et bleu de cobalt ; étude de la forme et du décor. (Relevé L. Vallauri.) En bas : Rougiers, fouilles XXIII C, niveau 1, n° 115. Écuelle, décor au lustre métallique ; étude de la forme et du décor. (Relevé L. Vallauri.) |
Le site de Saint Jean est progressivement abandonné à partir du XIII ième siècle au profit de la plaine, de ses terres cultivables et d'un accès plus facile aux voix de circulation. En 1420 le site est déserté. |
La chapelle Saint Sébastien située dans le village actuel de Rougiers devient chapelle paroissiale en 1640, l'acte signe le déplacement définitif de la population. |
Fenêtre sur le Petit et le Gros Béssillon. |
La Fontaine de Guillandière est située dans le vallon
éponyme à 1,57 Km au sud-est du castrum. La découverte de très nombreux
débris de poterie attestent de son utilisation par les habitants de
Saint Jean, et ce, malgré la présence de citernes sur le site fortifié.
" Je veux de l'eau de source et pas de l'eau de citerne - ou de camion
! " Cela vous rapelle sûrement quelque chose. |
Réunion du 1er septembre 1931, à la Préfecture du Var, sous
la présidence de M. Roustan, Architecte des Monuments Historiques du
Var. ... La Section Permanente confirme l'avis favorable au classement
des sites suivants, émis par la Commission départementale des Sites
dans ses séances des 17 juillet 1930 et 26 mai 1930 : ... " La commune de Rougiers sollicite l'inscription sur la liste - des sites pittoresques du Var, des ruines romaines et féodales de Saint-Jean et de la source romaine de Guillandière. Les ruines romaines et féodales de Saint-Jean sont situées au Sud de Rougiers, sur le sommet d'une colline dominant les alentours et se composent de pans de murs, parmi lesquels se trouvent les vestiges d'une tour romaine. D'après certains érudits, c'est cette tour qui aurait fait donner à (Rougiers où devait passer la voie Aurélienno — et non à Tourves — le nom de « Turris ». Ces ruines couronnent d'une manière très pittoresque l'éminence de l'ancien village et constituent un but d'excursion pour les touristes. Il en est de même de la source de Guillandière, (ndlr, ci-dessous) située à 4 kilomètres environ au Sud-Est de la commune, dans un cadre très pittoresque ... Les ruines de Saint-Jean et cette source étant situées sur des terrains communaux peuvent être inscrites sans difficultés sur la liste des sites pittoresques du Var. Il suffira à la commune de préciser plus exactement les emplacements à classer en indiquant les numéros des parcelles cadastrales correspondantes, le lieu dit et la section du plan. Nous proposons donc de donner un avis favorable aux demandes de classements présentées par la commune de Rougiers. Les conclusions du rapport de M. Roustan sont adoptées et le classement demandé à l'unanimité." (Bulletin de la Société pour la protection des paysages de France, 1932). __________
Deux ans et cinq mois plus tard c'était chose
faite, à gauche, l'acte
du ministère de l'instruction publique et des
beaux-arts - sites et monuments naturels, officialise le classement de
la source de Guillandière et ses abords le 24
janvier 1934. |
Le site a été classé monument historique le 18 mai 1967, il
est aujourd'hui la propriété de la commune. |
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