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10 - L'abbaye du Thoronet
5 abbayes cisterciennes en Provence
Silvacane
Le Thoronet
Sénanque
St Pons
St Pierre de l'Almanarre
" Il sentit tout à coup un son insouciant et léger frapper à la cloison de son oreille. Un autre suivit, puis un autre, et un à un les battements doux et profonds des cloches d'une chapelle lointaine arrivèrent à lui " (Jean Santeuil - Marcel Proust)


L'abbaye cistercienne du Thoronet
" Au sud-est de Lorgues et sur un point intermédiaire entre Carcès et Cabasse, au bord d'un vallon agreste, au milieu de collines boisées dont les cimes interceptent les sites environnants, s'élèvent les ruines de l'abbaye du Thoronet. Les chemins qui aboutissent au monastère sont de toutes parts difficiles et très-accidentés. On dirait que la civilisation moderne hésite avant de venir troubler la majesté et la solitude de ces lieux. " (Histoire de la commune de Lorgues - Par François CORDOUAN - 1864).
abbaye thoronet
Avec ses sœurs, Silvacane et Sénanque, l'abbaye du Thoronet est l'une des trois abbayes cisterciennes de Provence. En 1136, un groupe de moines quitte l'abbaye de Mazan pour fonder un monastère, qu'ils bâtiront 15 ans plus tard près de Lorgues, en un lieu boisé entre le coude d'une petite rivière et une source. L'édification débute en 1160 et se prolonge jusqu'en 1230. Au début du XIIIe siècle, le monastère abrite une vingtaine de moines et quelques dizaines de frères converts.
abbaye thoronet
" Le Thoronet. Thoronelum, Tonindum, Floresia. Cette abbaye fut fondée par Raymond Bérenger, comte de Barcelone et marquis de Provence, en l'honneur de Notre-Dame, à Floriege, et transférée, quarante années plus tard, A quelques lieues de là, au Thoronet. Les premiers moines vinrent de l'abbaye de Mazan. Fouquet ou Foulques, abbé de ce monastère (1170), poète estimé avant sa profession monastique, fut élevé sur le siège épiscopal de Toulouse (1174), où il combattit énergiquement les Albigeois. Les reliques du B. Guillaume, religieux de celle abbaye au XIIe siècle, y étaient l'objet d'une grande vénération. On conserve l'église, le cloître, le chapitre et le cellier du monastère bâti à celle époque les autres constructions ont été remaniées au XVe et au XVIIe siècle. (Abbayes et prieurés de l'ancienne France - 1909).
abbaye thoronet fontaine
Moins de deux siècles plus tard, le déclin de l'abbaye est déjà entamé. En 1660, le prieur signale la nécessité de la restaurer. En 1699, on déplore fissures et effondrement des toitures, portes rompues et fenêtres délabrées. En 1790, sept moines âgés y résident encore. La disparition de l'abbaye menace lorsque Prosper Mérimée la sauve en la signalant à Révoil, architecte des monuments historiques.
abbaye thoronet
" L'architecture extérieure de l'Eglise est d'une simplicité remarquable, elle ne se dessine que par ses assises horizontales, irrégulières de pierres dure suivant la hauteur des bans de carrière, et par ses joints verticaux correctement taillés. Pas de moulure, pas de saillie, que le simple profil du cordon en quart de rond traditionnel qui est sous les pentes et qui souligne les rives des toitures." (Mémoires de l'Institut historique de Provence - 1939).
nef abbaye thoronet
L'acoustique exceptionnelle de la nef est mise à profit pour l'enregistrement de chants religieux, notamment grégoriens dont le rythme s'accorde avec la résonance des lieux.

" L'intérieur de l'Eglise a la forme de la croix, plan particulier à l'ordre de Cîteaux. Trois nefs parallèles en forment la base : le transept, les bras et les absides, la tête. La largeur des trois nefs réunies est de vingt mètres dans œuvre, leur longueur du mur de façade à celui du chœur est de vingt quatre mètres. Les murs latéraux de la nef sont percés chacun de trois arcatures dites à tiers-point, c'est à dire à deux centres et par suite, à deux courbes qui se joignent au sommet en angle curviligne. ...

Telle est l'ordonnance architecturale de cette église qui peut contenir huit cent personnes et qui a été conçue en conformité avec la règle de Saint-Bernard. Elle est en effet d'une simplicité toute monacale. Les murs sont nus, sans moulure ni cordon que les architraves qui séparent les lignes verticales des voûtes et des arcs, et celles-ci n'existent que du côté des intrados de ces arcs ; pas d'archivoltes, pas même de socle. l'aspect monumental et grave n'a été obtenu que par la pureté des lignes, par une élévation bien ordonnée, par la disposition dégagée du plan et par un éclairage savamment distribué qui donne de l'importance à la nef centrale, au chœur et laisse dans une demi-obscurité les bas côtés ; enfin, par les jeux de lumière, sur les pierres auxquelles huit siècles ont donné une patine chaude et bleutée. " (Mémoires de l'Institut historique de Provence - 1939).
abbaye du thoronet
" Trois parties sont à distinguer dans l'Abbaye du Thoronet : l'Eglise, le Cloître, les Bâtiments claustraux. On retrouve dans leur architecture l'explication stricte de la règle de St Bernard qui disait : « l'Eglise brille dans « ses murailles et elle est nue dans ses pauvres ! Elle couvre d'or ses pierres et laisse ses fils sans vêtements. Les curieux ont de quoi se distraire et les malheureux ne trouvent pas de quoi vivre ».

Pour remédier à cet état de choses, le fondateur de l'ordre de Cîteaux prescrivit à ses disciples des dispositions très sévères : les abbayes devaient être bâties dans les solitudes et nourrir leurs habitants par des travaux agricoles. On ne devait pas chercher à les fonder sur de saints tombeaux de peur d'y attirer les foules de pèlerins et avec eux la dissipation du siècle. Les constructions devaient être solides et autant que possible en bonnes pierres de taille, mais sans aucune superfétation, pas même d'autre clocher qu'un petit campanile, parfois en pierres et presque toujours en charpente. Enfin, Saint-Robert compléta ces sévères prescriptions en précisant la disposition que devaient avoir les bâtiments. " Ces règles furent appliquées d'une façon rigoureuse au Thoronet. (Mémoires de l'Institut historique de Provence - 1939).
lavabo abbaye thoronet  abbaye thoronet lavabo
L’eau dans chacune des abbayes cisterciennes est un élément indispensable de la vie quotidienne. Une importante quantité d’eau, potable ou non, était nécessaire. L’abbaye n’en manquait pas et l’aridité actuelle du vallon n’est pas significative de la situation antérieure. Cette aridité résulte de l’extraction après la Seconde Guerre mondiale de la bauxite provoquant la disparition des ruisseaux et l’assèchement des couches géologiques. Cela eut également pour effet de provoquer des glissements de terrain qui ont emporté la partie nord de l’aile des moines ainsi que le réfectoire. L’alimentation en eau pour les besoins alimentaires, sanitaires et liturgiques se faisait par la source située au sud-ouest de l’enclos. Un débit constant arrivait jusqu’au monastère par un réseau de canalisations fait d’une maçonnerie de moellons soigneusement appareillés.

" ... les Cisterciens du XIIe siècle s'occupaient à de rudes travaux manuels ; il leur fallait avant d'entrer à l'église ou au réfectoire, laver leurs mains de toute souillure. Aussi voyons-nous que les lavabos des monastères cisterciens sont une partie importante du cloître. Celui qui nous occupe est une salle hexagonale tenant à la galerie du cloître qui longe le réfectoire ; les religieux entraient dans la salle par une porte et sortaient par l'autre de manière à éviter tout désordre ; ils se rangeaient ainsi autour du bassin au nombre de six ou huit pour faire leurs ablutions.

Conformément à la règle de Cîteaux, cette salle est extrêmement simple, couverte par une coupole en pierre, à cinq pans, avec arêtiers dans les angles rentrants. Au centre se trouve un bassin à huit pans reposant sur un gradin. Un piédouche supporte une vasque située au sommet du lavabo et distribuant l'eau. Elle comporte un système perfectionné de distribution des eaux par seize petits becs. Cette vasque qui a un mètre trente cinq de diamètre et dont le fond est à dos d'âne reçoit l'eau par un tuyau vertical placé en son milieu et couronné en crépine. Le sol de l'édicule est légèrement en pente dirigée au nord et comporte deux gradins circulaires également en pente de ce côté. Cette disposition permet l'évacuation des coulures dans un regard. " (Mémoires de l'Institut historique de Provence - 1939).
dortoir abbaye thoronet
" Le dortoir, situé au-dessus de la salle capitulaire communiquait avec l'église. On comprend que là devait être en effet le dortoir quand on considère que cette aile se liait au transept, ce qui rendait plus facile l'accès du chœur pour les offices de nuit.

Il y a vingt huit mètres de longueur et huit mètres cinquante de largeur. La voûte à tiers point est coupée dans sa longueur par des arcs doubleaux. Le cerveau de la voûte est à huit mètres trente du sol. Le mur est, est percé sous cordon architrave de la voûte, de onze baies plein cintre en éventail à l'intérieur du mur et laisse à chacune une ouverture de soixante treize centimètres de largeur. Le mur latéral ouest
ne comporte que sept baies de la même ordonnance mais dont les jambages à mi-mur, à arêtes vives ne laissent qu'un vide d'ouverture de trente centimètres. Il existe dans le même mur deux portes avec quelques marches en montée qui conduisent au sol des galeries du premier étage du cloître. Au dessus de la porte donnant dans l'église se voit une poutre moulurée, percée d'un trou destiné à porter une lampe. ... " (Mémoires de l'Institut historique de Provence - 1939).
abbaye thoronet vitraux

abbaye thoronet

cloitre abbaye thoronet
Le cloître forme le centre du monastère, il fait le lien entre l'église et les bâtiments de la vie communautaire. Il mesure en moyenne 30 mètres de côté, comme la plupart des cloîtres cisterciens. Il est en forme de trapèze allongé, suivant deux axes : celui du cellier (décalé de quelques degrés d’un axe Nord-Sud), et celui de l’abbatiale, parfaitement orienté. Les arcades sont dites géminées (doubles) surmontées d'un oculus ajourant les tympans et les chapiteaux dépourvus de tout ornement.
galerie cloitre abbaye thoronet
" A l'instar de la plupart des abbayes, le cloître est composé du préau, entouré de quatre galeries. Son plan a comme dans tous les monastères cisterciens, la forme d'un trapèze. Il est encadré au sud par l'église, à l'Ouest par les caves, à l'est par la salle capitulaire, la bibliothèque, l'escalier conduisant au dortoir, au nord par le réfectoire. ...
cloitre abbaye thoronet
La galerie qui longe le mur de la nef est à niveau plus élevé que les autres galeries. Conçu suivant le caractère particulier de l'architecture
cistercienne, ce cloître ne possède aucune de ces galeries délicates recouvertes le plus souvent de charpentes, rappelant encore l'impluvium antique. Les voûtes ont remplacé les lambris, la sculpture et les vains ornements ont fait place à la force et à la durée. " (Mémoires de l'Institut historique de Provence - 1939).
abbaye thoronet

salle capitualire abbaye thoronet
" Parmi les bâtiments claustraux, aujourd'hui incomplets, il faut mentionner la belle salle capitulaire dont la voûte repose sur de massives colonnes, aux chapiteaux ornés seulement de feuilles d'eau, de crosses abbatiales croisées comme des épées et d'une main tenant la crosse ; ce sont des symboles de l'autorité souveraine exercée par l'abbé. " (L'abbaye de Fontenay et l'architecture cistercienne - Lucien Bégule).

" Servant aux réunions du Chapitre, cette salle à laquelle on accède en descendant cinq marches a neuf mètres cinquante de long et huit mètres de large. Elle est divisée dans le sens de la longueur par deux colonnes trapues reposant sur des bases moulurées, avec griffes aux angles et couronnées par des chapiteaux à feuilles taillées largement avec de forts et larges tailloirs qui reçoivent les nervures de la voûte, déployées en forme de palmes dont les extrémités dirigées sur les murs reposent sur des culs de lampes. Des bancs de pierre disposés en gradin étaient adossés aux quatre murs de la salle.

L'ornementation des chapiteaux quoique sobrement exécutée est composée de feuilles d'eau, de branches de palmier, de fleurs, de pommes de pin. Sur l'un de ces chapiteaux on remarque une croix fichée et sur l'autre une main tenant la crosse. Il est à noter que ce sont là les seules sculptures que l'on puisse trouver dans toute l'abbaye. Elles semblent indiquer que le pouvoir abbatial dominait là, en souverain. " (Mémoires de l'Institut historique de Provence - 1939).
abbaye thoronet

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Les principes fondateurs de l'ordre cistercien. A l'aube du XIIe siècle, l'ordre monastique clunisien atteint son apogée et affiche puissance, gloire et richesse. Un moine Robert de Molesne, réagit et décide de revenir à l'ordre strict de Saint Benoit rédigé en 534, qui prône l'humilité, la pauvreté et le juste équilibre entre travail manuel et prière. En 1098, il fonde le monastère de Cîteaux, près de Dijon, qui donne son nom au nouvel ordre. A partir de 1109, Etienne Harding codifie les règles cisterciennes.
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abbaye thoronet
" THORONET, abbaye commendataire d'hommes, situées à une lieue et demie de Lorgues, au diocèse de Fréjus, dans la basse Provence, elle vaut 5 à 6000 livres à son Prélat, qui paie 400 florins à la cour de Rome pour ses bulles. " (Dictionnaire universel de la France, Tome VI - Contenant la Description Géographique des Provinces ... - 1771 Avec Approbation et Privilège du Roi).
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" Le Cellier. A l'ouest du cloître existe encore un magnifique cellier couvert d'une haute voûte en berceau brisé renforcé par quatre arcs doubleaux communiquant au sud avec un bâtiment planté d'angle et qui devait être primitivement occupé par les convers. Un plancher divisait peut-être la construction dans le sens de la hauteur, ce qui donnait un cellier en bas et un grenier au-dessus. Les traces de la grande porte et du pressoir sont visibles, dans le mur ouest, et une cuve maçonnée haute de deux mètres, carrée de trois mètres de côté est montée encore dans l'angle nord-est de cette salle. On accède au niveau supérieur de la cuve par un escalier extérieur de pierre. Une autre grande cuve à plusieurs compartiments occupe tout le fond du cellier.

Cette cuve paraît avoir été destinée à recevoir le vin (ndlr : photo de gauche, au fond), la petite était sans doute réservée à l'huile. Le cellier dut être construit vers 1200 comme la galerie du cloître contre laquelle il s'appuie. " (Mémoires de l'Institut historique de Provence - 1939).
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" Les bâtiments après le départ des Religieux. C'est dans ses dépendances que le monastère a eu le plus à souffrir du temps et des hommes. Les dévastations commises par les acquéreurs d'une partie du domaine en 1791, en modifiant certains locaux qu'ils ont aménagés pour leur
logement ou pour abriter les bestiaux employés à l'exploitation de leurs terres, ont causé une véritable mutilation de cette partie des bâtiments. Il ne restait plus que des ruines, la plupart informes. Seuls subsistaient encore, très délabrés, le bâtiment des cuves à vin, celui du moulin où se trouvent un pressoir et une meule, une amorce du bâtiment des fours, les restes de l'hôtellerie un peu écartée à l'ouest des bâtiments clostraux et le bâtiment des cachots (?) situés de part et d'autre de la poterne d'entrée, placée à l'ouest du cloître. " (Mémoires de l'Institut historique de Provence - 1939).

" La restauration débute en 1841 pour ne plus cesser. En 1846, " L'abbaye se composait de trois parties principales : de l'église, du cloître et des bâtiments dans lesquels se trouvaient divers logements. La dernière a été vendue le 17 mars 1791 par la nation, qui s'est réservée les deux premières. Elle sert maintenant à loger les acquéreurs et à abriter les bestiaux employés à l'exploitation des terres adjacentes. Inutile d'ajouter que les traces du caractère primitif sont effacées et que la pioche des nouveaux occupants a mutilé et détruit tout ce qui s'opposait à la destination qu'ils lui ont donnée. " (Statistique du département du Var - Par C. N. Noyon - 1846). L'Etat achète progressivement le site à partir de 1854.
abbaye thoronet
Entre 1985 et 1990, des travaux considérables ont été réalisés : la réfection de la couverture a permis d’une part d’alléger les voûtes (en substituant au remblai lié au mortier une forme légère et étanche en béton de chaux), le renforcement des reins de voûtes par des injections de coulis de chaux, et enfin la reprise des fondations. Des travaux ont lieu régulièrement en fonction des urgences (qui sont encore importants notamment pour la grange dimière) et une surveillance continuelle du niveau de l'eau est fort heureusement assurée pour prévenir de nouveaux risques de glissements de terrains.

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