L'abbaye
cistercienne du parc Saint-Pons,
" Un monastère de filles éloignées de
tout commerce avec le monde. "
" ... Moi, Rainier, par la grâce de Dieu, évêque de
Marseille ... et nous Bertrand du Jardin, sacristain du siège de
Marseille ... nous donnons librement, nous livrons pour à présent et
pour toujours, pour la fidélité du seigneur évêque de Marseille et de
l'église de la Bienheureuse Marie du siège de Marseille, à toi femme
Garcende, la maison de Saint-Pons ..."
|
Le vallon
de Saint Pons vu du Pic de Bertagne.
En 1890, " On prend la route de l’ancienne abbaye de Saint-Pons. A
droite et à gauche deux immenses murailles de rochers blanchâtres, mais
égayées par la verdure des pins et des chênes qui les recouvrent, se
dressent en amphithéâtre. La vallée, davantage, est tapissée de
prairies verdoyantes où courent des ruisseaux limpides et bruyants. A
chaque instant la jolie route, qui suit les contours des montagnes,
monte ou descend, se tourne et se retourne comme pour laisser aux
voyageurs le loisir d’examiner dans tous ses détails et sous tous ses
aspects ce gracieux paysage. A l’un des tournants de la route on
aperçoit sur une colline pittoresque le vieux Géménos, dont il ne reste
plus que quelques pans de muraille d’un très solide appareil. Ces
montagnes, qu’une heureuse sollicitude a préservées de tout
défrichement, représentent assez bien l’état primitif de la belle
Provence avant les
saccagements et les maladroites exploitations dont ses bois et ses
forêts ont souffert durant tant de siècles. " (Pèlerinages monastiques.
Théophile Bérengier, éd 1890-1892). |
Le vallon
de Saint Pons sous le pic de Bertagne à l'ouest de de la Saint-Baume
" Après avoir suivi cette route si gracieuse durant une
demi-lieue, on voit la vallée s’élargir insensiblement, et présenter un
espace à peu près circulaire, couvert d’arbres ou d’arbustes toujours
verts. « C’est, dit le comte de Villeneuve, un véritable jardin
anglais, dessiné par la nature et dont certains accidents rappellent
quelques-unes des beautés de la Suisse : des groupes d’arbres, des
rochers menaçants, des pelouses arrosées par de gentils ruisselets, des
grottes sombres sur le bord des torrents, une source abondante, qui
sort en mugissant de la base d’un roc sourcilleux et forme aussitôt une
petite rivière. » Cette description très exacte ne rend pas cependant
tout le charme de cette magnifique solitude, qui, à quelques lieues
d’une ville de 400 000 âmes transporte le voyageur par la pensée dans
une forêt du nouveau monde. " (Pèlerinages
monastiques. T. Bérengier, éd 1890-1892). |
Le Fauge,
" torrent impétueux "
Saint-Pons (domus sancti
Pontii)
était dans l’origine une ferme bâtie par le saint évêque Pons II, qui
occupa le siège de Marseille de 1007 à 1073. Il l’avait cédée avec
toute la vallée aux moines de Saint-Victor, qui la rétrocédèrent au
chapitre de la cathédrale en 1119 - Cartulaire de Saint-Victor, charte
923). C'est donc sous
la
juridiction de l'abbaye de Saint-Victor de Marseille, que l'évêque
Rainier accorde la construction de l'abbaye en
1205 qui sera placée sous la direction de Dame
Garcende. Reconnue dans
toute la Provence, elle devint officiellement abbaye en 1223 et intègre
alors l'Ordre de Cîteaux. Elle est alors la quatrième des Sœurs
provençales de l'Ordre avec : Silvacane, Sénanque
et le Thoronet, fille
de cette dernière, dont
l'abbé en assure la
direction spirituelle.
|
" C’est dans cette solitude
ignorée que vint se retirer, au commencement du XIIIe siècle, la noble
Garsende, avec ses pieuses compagnes : Rainier, évêque de Marseille, et
ses chanoines leur en avaient donné la permission, en concédant pour
l’entretien de ces nouvel les moniales de l’ordre de Cîteaux les
églises et dépendances de Saint-Martin de Gémenos, de Saint-Clair et de
Saint-Jean de Garguier.
« Le vallon de Saint-Pons, dit Mgr de Belsunce,
leur avait paru admirablement choisi pour y placer un monastère de
filles éloignées de tout commerce avec le monde. On n’y allait, en ce
temps, que par un chemin étroit, pratiqué entre les montagnes, le long
d’un clair ruisseau, et, arrivé en ce lieu, on ne voyait de toute part
que de hauts rochers couverts d’une riche végétation et formant une
clôture naturelle. L’eau était assez abondante pour arroser de
grands-jardins et pour faire aller un moulin. Les moines et les
moniales de Cîteaux ne mangeant jamais de viande et rarement du
poisson, les champs que l’on pouvait cultiver et les jardins du
monastère devaient suffire à la nourriture des nouvelles religieuses,
avec les revenus des trois églises qu’on leur concédait. " ...
(Pèlerinages monastiques. T. Bérengier, éd 1890-1892). |
Vous pourrez voir un écusson dans
l'église sur lequel est gravé : " Sanctus Pontius. Lors
des festivités du VIII centenaire de la fondation de l'abbaye de St
Pons le cardinal Bernard Panafieu archevêque de Marseille a béni ce
médaillon fait par
M. Lignier Yencess et offert par la paroisse de Gémenos, le Père
Francis
Bagneris étant curé, le 15 mai 2005. "
" On ignore
complètement, non seulement combien de temps
Garcende vécut au milieu des religieuses qu'elle avait attirées autour
d'elle, mais encore, ce qui eut été plus intéressant, de quelle famille
elle était issue. Noble ou roturière, il faut bien que l'attraction
qu'elle exerçait fût grande pour qu'on lui fit dans si peu de temps des
concessions importantes, et que sa maison pût, en moins de quarante
ans, se constituer elle-même et fonder deux succursales de premier
ordre. L'acte de 1205 l'appelle seulement femme Garcende, et ne fait
pas la moindre allusion à son état antérieur ; mais je ne serais pas
éloigné de croire qu'elle appartenait à une des premières familles de
Marseille, et que cette considération entra pour beaucoup dans les
avantages que tous, évêques, marquis de Fos et vicomtes de Marseille
s'empressèrent de lui accorder. " (Revue de Marseille et de Provence
... 1863).
|
" L’acte de donation, que nous possédons encore, fut lu dans
une grande assemblée tenue au palais épiscopal de Marseille, en
présence de l’évêque Ramier, de Foulques, abbé de Thoronet, qui
représentait l’ordre de Cîteaux, et d’une foule de grands personnages
civils ou ecclésiastiques et contresigné par Bérenger, notaire public
de la cité de Marseille. Cette fondation fut très heureuse. Bientôt le
parfum des vertus de Garsende et de ses filles se répandit dans toute
la Provence, et un siècle s’était à peine écoulé que la très noble dame
Sacrislana donna aux Cisterciennes de Saint-Pons le lieu appelé
Mollèges, près d’Orgon, pour y établir un monastère qui fut dans la
suite uni à Sainte-Croix d’Àpt (1207).
Quelques années plus tard, l’abbaye de Saint-Pons envoyait une nouvelle
colonie à la Manarre, près d’Hyères, sur le bord de la mer (1220).
Enfin vingt-deux années après, une autre colonie fut envoyée par
l’abbesse Nicole de Roquefort à Marseille même pour y fonder le
monastère de Mont-Sion, qui devint lui aussi une florissante abbaye
(1242) On le voit, Saint-Pons, que presque tous les pèlerins de la
Sainte-Baume aiment à visiter, a joué un rôle important au moyen âge. "
(Pèlerinages monastiques. T.
Bérengier, éd 1890-1892). |
" Aujourd’hui (ndlr : en
1890 !), tous ces débris des vieux âges sont envahis par une
végétation luxuriante, qui les revêt d’une magnifique parure. Les beaux
arbres s’élancent à travers les murailles écroulées, que les plantes
grimpantes ont recouvertes d’un manteau verdoyant. Dans le réfectoire,
il y a plusieurs rangées de jeunes platanes ; le chapitre ne peut plus
contenir les figuiers qui étendent partout leurs grandes branches
chargées de larges feuilles. Le cloître présente l’aspect d’un bois
taillis, et la grande nef disparue a vu croître dans son enceinte des
arbres de haute futaie, qui semblent les nouvelles colonnes de l’église
renversée par le temps ou par la main des hommes.
Mais il est difficile de rendre tout le charme de ces belles ruines, si
pleines de souvenirs et où l’on croit encore entendre le chant des
psaumes et la mélodie des moniales cisterciennes dans le gazouillement
des oiseaux et dans le bruit des pins harmonieux, balancés par le vent
du midi. " (Pèlerinages monastiques. T.
Bérengier, éd 1890-1892). |
Une autre transcription de
l'histoire de cette abbaye
par Alfred Saurel, parue dans la " Revue de Marseille et de Provence
fondée et publiée au profit de pauvres " en 1863 : " Et maintenant je
cède un instant la plume à Mgr de Belzunce, qui va nous raconter
comment se fit la fondation de l'abbaye : « Parmi les biens de l'évêque
et du clergé, dit cet historien, il y avait une maison et trois églises
qui servirent à
l'établissement et à la fondation d'un nouveau monastère de filles. ...
Les trois églises étaient celles de Saint-Martin, au pied de la
montagne sur laquelle on voit les ruines de Gémenos ; celle de
Saint-Clair, sur une autre montagne escarpée, et celle de St-Jean, dans
le quartier de Garguier, où était autrefois Gargarie, d'où il a tiré
son nom. ... " |
Ancienne usine du Paradou. Saint-Pons, et son abbaye doivent
leur
richesse au Fauge, torrent impétueux qui permit l'irrigation des terres
avoisinantes, le fonctionnement de moulins et, plus tard, de
quelques usines, papèterie, moulin à plâtre, briquèteries, scieries,
production de papier à cigarette de la marque " Paradou "
... "
Les sources abondantes de Saint-Pons font tourner les roues de
plusieurs moulins, papeteries, verreries et usines adaptées à
différents usages ; mais les grands arbres les cachent à moitié, et,
placées le plus souvent sur un coteau pittoresque, leurs toitures
rouges se marient agréablement à l’azur du ciel et au vert feuillage
des pins maritimes. "
|
... " Une femme nommée Garcende, qui
voulait se retirer dans la
solitude et attirer des personnes de son sexe pour y travailler avec
elles à son salut, selon l'esprit et la règle de Cîteaux, laquelle
était alors dans toute sa rigueur, demanda à Rainier et à ses chanoines
la maison et les trois églises, s'obligeant à les dédommager, au moins
en partie, des revenus qu'ils perdraient par cette cession. Le vallon
de Saint-Pons lui avait paru admirable pour y placer un couvent de
filles, éloignées de tout commerce avec le monde. On n'y allait que par
un chemin étroit, pratiqué entre des montagnes, le long du ruisseau, et
lorsqu'on y était arrivé, on n'y voyait de tous côtés que des montagnes
et des rochers qui bordaient ce petit vallon. L'eau était assez
abondante pour arroser un jardin et faire aller un moulin, et comme les
religieux et les religieuses de Cîteaux ne mangeaient jamais de viande
dans ce temps-là, et rarement du poisson, les champs qu'on pouvait
cultiver dans le vallon et les jardins du monastère pouvaient fournir
presque tout ce qui était nécessaire pour la nourriture des
religieuses. Le reste de leur entretien devait être tiré des revenus
des trois églises, qui étaient dotées, suivant l'usage de ce temps-là,
et où les fidèles faisaient beaucoup d'offrandes. " (Revue de Marseille
et de Provence ... 1863) ...
|
.. " Rainier et son chapitre, toujours disposés à
favoriser les établissements qui pouvaient procurer de la gloire à Dieu
et édifier les fidèles, reçurent favorablement la prière de Garcende,
et réglèrent avec elle les conditions de la concession qu'elle
demandait. On fut bientôt d'accord, parce que Garcende ne voulait que
le nécessaire, et que l'évêque et le chapitre ne demandaient que ce
qu'il ne leur était pas permis d'abandonner.
On s'assembla dans la maison canonique, et on y mit par écrit la
cession avec toutes ses clauses. L'évêque Rainier s'y trouva avec le
prévôt et dix chanoines qui représentaient tout le, chapitre. Garcende
y vint, accompagnée de Foulques, abbé du Thoronet de l'ordre de
Cîteaux, celui-là même qui fut plus tard évêque de Toulouse. Il avait
avec lui deux moines de son ordre. L'intervention de cet abbé était
nécessaire, parce que le nouveau monastère devait être sous la
direction des abbés du Thoronet. » " (Revue de
Marseille et de Provence ... 1863)
|
Le Moulin de la Cascade, ses meules étaient entraînées par
la force générée par les eaux du Fauge. Il est construit à
l'emplacement d'un ancien moulin mentionné dès les XIIe siècle mais
dont il ne reste aucune trace aujourd'hui. Le bien nommé "chemin du
blé" reliait Cuges les
Pins au moulin, c'est aujourd'hui un chemin appréciait des randonneurs.
Il servit aussi à la production d'électricité pendant la première
moitié du XXe siècle. Et pour en savoir plus sur les moulins à eau, suivre ce lien.
Voici l'acte de donation dans toute
sa teneur et sa
traduction littérale :
« Au nom du Seigneur
Jésus-Christ, année de l'incarnation du même
Seigneur mil deux cent cinq, au mois d'avril, le jour de la fête de
Vital, martyr, l'alphabet attaché au présent acte faisant foi, « Qu'il
soit évident tant à ceux présents qu'à venir, que moi, Rainier, par la
grâce de Dieu, évêque de Marseille ; et moi prévôt du siège
(cathédrale) de Marseille et nous Bertrand du Jardin, sacristain du
siège de Marseille, Aicard d'Auriol, Bertrand d'Aix, Lambert Laugier,
Bertrand de Gignac, Ugo de Bertrand, Guillaume de Girard, Guillaume de
Monteou, Raimond d'Auriol, Raimond d'Amélius, chanoines du même siège,
par la volonté et du consentement de toute notre communauté et de tout
notre chapitre, nous donnons librement, nous livrons pour à présent et
pour toujours, pour la fidélité du seigneur évêque de Marseille et de
l'église de la Bienheureuse Marie du siège de Marseille, à toi femme
Garcende, la maison de Saint-Pons avec toutes ses dépendances dans le
champ inculte et cultivé, et avec tous ses droits, et l'église
paroissiale de Saint-Martin de Géminis, avec tous les droits qui
appartiennent à la paroisse, excepté la quarte mortalage, (rétribution
des enterrements), et les églises de Saint-Jean de-Garguier et de
Saint-Clair avec tous leurs droits, afin que, dans ladite maison de
Saint-Pons, pour l'honneur de Dieu et l'accroissement de la religion,
tu fondes et édifies une abbaye ou un prieuré de religieuses de l'ordre
de Cîteaux, ...
|
... et suivant leurs usages, pour la susdite maison et les
susdites églises, toi Garcende et celles qui te succéderont, vous
donnerez chaque année, à titre de rente, à
l'église de la Bienheureuse
Marie du siège de Marseille, cent émines de blé
de bonne qualité, à la
mesure de rémine de Marseille, le jour de la fête de l'Assomption de la
B. Marie, à la mi-août, lesquelles cent émines
vous les moudrez, sans
aucun droit de mouture, au moulin de la maison de Saint-Pons.
Le
seigneur évêque de Marseille aura là ses droits d'albergues et de
visite bons et entiers, comme il les a eus jusqu'à ce jour aussi bien
que possible, à l'exception de viandes. Cependant le chapelain ou les
chapelains desservant ces églises paroissiales promettront obéissance
au seigneur évêque de Marseille, viendront à ses synodes, et paieront
les deniers synodaux accoutumés, et le chapelain ou les chapelains qui
desserviront une ou plusieurs de ces églises recevront de lui la charge
du soin des âmes.
La prieure elle-même et le chapelain ou les
chapelains des religieuses, quand bien même ils seraient des donnés de
l'ordre de Cîteaux, promettront également obéissance au seigneur évêque
de Marseille, tout en restant sous la juridiction de l'ordre de
Citeaux, et ces mêmes chapelains assisteront aux synodes de l'évêque,
et paieront les deniers synodaux accoutumés ; si les prieur, chanoines,
clercs, ou n'importe quel membre du corps de la cathédrale de Marseille
viennent seuls ou avec les compagnons auquel ils ont droits, ils y
recevront toujours pour eux et pour leurs équipages, suivant le pouvoir
de la maison, un logement convenable, mais ils n'auront pas droit à la
viande. " ... |
... " Toute abbesse ou
prieure de ladite maison de St-Pons ou
toute
autre personne qui aura, à leur place, l'administration de la même
maison, immédiatement après en avoir pris la direction, jurera en
personne sur les quatre Evangiles de Dieu, au seigneur évêque de
Marseille et au prévôt de l'église Majeure, détenir fidèlement ce qui
vient d'être dit, d'une manière ferme et absolue, et de ne jamais y
contrevenir par l'obtention de quelque indulgence ou privilège qu'une
personne de l'un ou l'autre sexe aurait ou pourrait avoir. Si, au
contraire, par motif de religion ou par indulgence ou privilège, ou par
tout autre motif quelconque vous manquiez à tout ce qui vient d'être
dit, après trois monitions (canoniques) faites par le seigneur évêque
de Marseille ou le prévôt, il serait permis tant à nous qu'à nos
successeurs de reprendre la maison de Saint-Pons et les églises
susdites, avec toutes les améliorations et accroissements , et de les
remettre sous notre autorité et sans opposition de vous ou
d'elles-mêmes, comme étant notre chose et propre bien. Et moi, femme
Garcende susnommée, je renonce à tout privilège et indulgence, et
généralement à tout droit qui pourrait m'advenir, tant à moi qu'à
celles qui me succéderont un jour.
Fait à Marseille, en
présence des témoins appelés pour cela. " Ont été
apposés les sceaux dudit évêque de Marseille, du chapitre de la
cathédrale de Marseille et dudit Foulques, abbé de Torronet. Dès que
cette affaire fut terminée, dit encore l'historien des évêques de
Marseille Garcende ayant assemblé toutes ses compagnes, se retira avec
elles dans la maison de Saint-Pons et y forma une communauté dont elle
fut abbesse. " (Revue de Marseille et de
Provence ... 1863). |
" Dans peu d'années, la jeune abbaye de Saint-Pons prend des
développements considérables, et les locaux qui sont construits en même
temps que l'église sont bientôt insuffisants pour loger toutes les
filles qui viennent se ranger sous la conduite de Garcende. Cet heureux
état de choses était dû aux libéralités de plusieurs grands
personnages. A leur tête, je citerai, d'après Denis de Saint-Marthe:
Pierre, roi d'Aragon, qui, par ses lettres données à Aix en présence de
Michel, archevêque d'Arles; Guide, archevêque d'Aix ; Guillaume, évêque
d'Orange, adjoignit à ce couvent plusieurs possessions, et Sacristane,
très-noble dame qui, en 1207, donna aux religieuses de Saint-Pons le
lieu appelé Molége, pour y fonder un monastère, lequel fut uni par la
suite à Sainte-Croix-d'Apt.
Le 13 mars 1220, une colonie partie de Saint-Pons vient fonder près
d'Hyères, sur le bord de la mer, à un endroit nommé la Manarre ou
l'Almanarre, une nouvelle abbaye dont les développements sont rapides. "
|
LE PRIEUR DEFUNT DEPOUILLE. Vous verrez plus loin la
chapelle Saint Martin située à quelques centaines de mètres de l'abbaye
; les relations entre l'abbesse et le prieur n'était pas toujours au
beau fixe, ainsi ; " Dans le mois de janvier 1340, l'évêque Jean Gasquy
jugea un procès entre le prieur de Saint-Martin de la vallée de
Gémenos, nommé Guillaume Gasqui, et le monastère des religieuses de
Saint-Pons, représenté par son cellerier, frère Aycard Peyronet.
Le monastère, après la mort de Jean Lombard, prédécesseur de Guillaume
Gasqui, avait fait enlever tout ce qu'il avait pu trouver dans les
dépouilles du défunt, prétendant que tout cela lui appartenait de plein
droit. Mais Guillaume, qui ne reconnaissait point ce droit, demandait
la restitution de tout ce qui avait été enlevé. L'évêque adjugea au
nouveau prieur les maisons, les tonneaux, les barriques et autres
ustensiles qui avaient été enlevés de la cave du prieuré, les habits et
les meubles du prieur, et adjugea au monastère les autres effets, à
charge de pourvoir à la nourriture d'un clerc et d'un chapelain jusqu'à
la prochaine fête de l'Assomption de la Sainte Vierge, et de faire
porter à la maison du prieur une paillasse, un oreiller, deux draps de
lit et une couverture. Il ordonna que les dettes en argent, en blé, en
bétail, en livres et autres articles qu'on découvrirait et qui ne
pourraient pas être regardées comme ayant appartenu au prieur défunt,
seraient partagées entre le nouveau prieur et le monastère. »
Bartholomée de Riqueneuve (Ricas-Novas) était, probablement abbesse à
cette époque ; ce qui est plus certain, c'est qu'elle tenait la crosse
en 1348 et 1349, ainsi qu'on le voit dans les écritures de Quentin et
de Jean Sylvestre.
|
Reprise en 1890, " Il n’en reste plus que des ruines,
très pittoresques, il est vrai, et qui ajoutent encore aux charmes de
cette belle solitude. Non loin de la source limpide qui sort avec une
si grande abondance au pied des rochers de Saint-Pons, on voit s’élever
dans une riante pelouse la nef collatérale d’une église du XIIIe
siècle, très bien orientée et dont le style sévère ne manque pas d’une
certaine élégance. Elle est fort étroite, percée de rares fenêtres et
sa voûte élevée, qui ne montre pas encore l’ogive, se divise en cinq
travées, sans compter celle du sanctuaire.
Un autel carré et d’une seule pierre se trouve presque adossé à une
abside rectangulaire, et vers le milieu de la cinquième travée on voit
encore la prothèse ou table de communion ; elle aussi formée d’une
seule pierre carrée de grande dimension et placée autrefois au-dessus
d’un pilier rond et sans ornement, qui la soutient encore, quoiqu’elle
soit à demi renversée. Le mur du fond de l’abside n’a qu’une longue
fenêtre à plein cintre ; un grand oculus, en forme de rosace, avec une
baie étroite, y répond dans le mur de la façade, qui est soutenue par
deux contreforts assez grossiers et surmontée d’un campanile de forme
aiguë. Cette façade est percée d’un portail ogival, sans sculpture.
C’est de l’architecture cistercienne dans toute sa simplicité. "
|
L'ancien
cloître.
" Au côté méridional de la nef, qui se trouve encore debout, le pèlerin
verra les restes des chapiteaux dont les retombées de voûte ne manquent
pas de grâce et présentent quelques sculptures assez bien réussies. La
trace du cloître, qui était vaste et élevé, paraît visiblement sur les
murailles extérieures du chapitre, du réfectoire placé à l’orient et
sur celles du collatéral. Un escalier à moitié écroulé conduit
au-dessus d’une petite salle voûtée dont la destination parait assez
incertaine. Arrivé aux dernières marches, on s'aperçoit que le premier
étage, où se trouvaient sans doute les dortoirs, était aussi voûté ;
car il est facile de distinguer les bases des piliers qui supportaient
les voûtes. ... " (Pèlerinages monastiques. T.
Bérengier, éd 1890-1892). |
" Maintenant cette nef n’est-elle que le reste d’une
basilique complète, ou bien l’a-t-on toujours laissée dans son
isolement ? Adhuc sub judice lis est.
Les opinions sont très partagées. Il semble néanmoins assez difficile
de nier qu’une plus grande nef, destinée aux fidèles, existât à côté du
collatéral réservé aux moniales.
On voit sur le mur septentrional de
grande arcades ogivales bouchées par de larges pierres. La dernière
d’entre elles qui correspond à l’abside pouvait être protégée seulement
par une grille donnant sur le chœur des cisterciennes. De plus, la
muraille fait de ce coté une saillie considérable sur le collatéral et
parait indiquer la présence d’un plus vaste sanctuaire ; enfin deux
piscines au mur de l’avant dernière travée et à l’extérieur indiquent
d’une manière certaine que près de là, sur le terrain envahi
aujourd’hui par la pelouse, se trouvait l’autel majeur de l’église
abbatiale. On n’aperçoit pas, il est vrai, de traces de fondation ;
mais, si les intelligents propriétaires de Saint-Pons faisaient des
fouilles, on aurait peut-être la solution du problème. Il serait
possible encore que cette église n’eût jamais été achevée, comme il
arrivait parfois dans les monastère dont les ressources n’étaient pas
suffisantes. On rencontrait aussi de ces églises de moniales qui
n’avaient que deux nefs, bien suffisantes pour elles-mêmes et pour le
public restreint qui assistait à leurs offices. " (Pèlerinages
monastiques. T. Bérengier, éd 1890-1892). |
En
1407, les Abbayes d'Hyères et de Saint-Pons fusionnent. Elle sera
abandonnée par les moniales en 1426.
" Hélas ! après deux siècles à
peine d'existence, l'abbaye de Saint-Pons dépérissait à tel point, que
sa chute était inévitable. En 1407, les guerres et la peste ayant
dévasté le pays, ces filles se trouvèrent exposées aux incursions des
soldats et privées d'une partie de leurs revenus. Leur nombre se trouva
tellement réduit, qu'il ne restait dans le monastère que la prieure et
une religieuse.
On conçoit que ces deux femmes modèles, qui, sans doute, avaient
préféré mourir plutôt que d'abandonner la maison qu'elles avaient juré
d'habiter jusqu'au tombeau, demandassent enfin l'autorisation de fuir
une solitude vraiment trop effrayante.
Tous les écrivains que j'ai cités plusieurs fois, Bouche, Mgr de
Belzunce, M. de Villeneuve, Papon et Achard ne sont pas d'accord sur le
véritable motif de l'abandon de l'abbaye ; les trois premiers, sans se
prononcer, font entendre que le relâchement a pu y entrer pour quelque
chose, aussi bien que la guerre et la peste. Papon dit simplement que
les religieuses qui restaient à Saint-Pons dans le XVe siècle s'étant
écartées de l'austérité de la discipline, furent transférées à
l'Almanarre ; mais ces termes, surtout sous la plume d'un Oratorien, ne
doivent pas faire croire que ces religieuses fussent adonnées ou à peu
près à une vie déréglée, ainsi que le fait entendre clairement M.
Couret dans son Histoire d'Aubagne, ouvrage fort curieux - au point de
vue typographique, bien entendu. ...
Habits : Bernardine de
l'abbaye de la Cambre, sœur cistercienne.
|
... " Au
commencement du XIIIe siècle, dit M. Couret, l'évêque Rainier et le
chapitre de la Major vendent à Garcende la maison de Saint-Pons ; peu
de temps après, ce couvent est supprimé à cause du relâchement : il
n'était pas possible que de jeunes filles n'éprouvassent pas de fortes
distractions dans un des plus beaux sites qui embellissent le globe.
Je me range donc à l'avis des auteurs sérieux, qui assurent que les
deux anachorètes de Saint-Pons s'adressèrent à l'autorité
ecclésiastique avec prière de mettre fin à leur détresse. " (Revue de
Marseille et de Provence - 1863)
... " Aussi en 1407 les deux
religieuses survivantes, la prieure,
nommée Bylette Blain, et sa compagne, Bartholomée Perron, obtinrent
facilement de Thomas, archevêque d’Aix, leur translation définitive à
La Manarre, où l’abbesse Saure de Glandevez les reçut avec beaucoup de
charité. Cette même année l’anti-pape Benoît XIII, dont la Provence
reconnaissait alors l’obédience, unit à perpétuité Saint-Pons au
monastère voisin d’Hyères.
... mais le mauvais génie qui avait soufflé la ruine de Saint-Pons
poursuivit les fugitives à l'Almanarre, et fit subir à la fille le même
sort qu'à la mère. Exposé aux courses des pirates et aux attaques des
Sarrasins, le monastère de l'Almanarre ne résista pas longtemps. Il fut
détruit en effet. Les religieuses se réfugièrent alors dans le lieu où
l'on voit aujourd'hui l'auberge de Saint-Pierre ; mais elles n'y
demeurèrent pas longtemps, probablement par le même motif qui les avait
éloigné (vu bord de la mer, et peu de temps après, du consentement de
Benoît XIII, qui résidait alors à Savone, elles s'établirent dans
l'enceinte même de la ville d'Hyères. Louis II, roi de Sicile et comte
de Provence, ratifia cette translation dans le courant de l'année
1409. Très-peu de temps après s'être retirées dans l'enceinte
d'Hyères, les Bernardines se trouvèrent en mesure de rétablir leur
maison, ou plutôt d'en ouvrir une nouvelle. Avec le concours de la sœur
de Jeanne de Naples, Sanche Marie et sous la protection des papes Jean
XXII et Innocent VII, les souvenirs des désastres causés par les
forbans ne tardèrent pas à s'effacer. " (Pèlerinages
monastiques. T. Bérengier, éd 1890-1892).
|
Chapelle
Saint Martin du parc Sain-Pons
" Dire qu'en l'année 1205 cette chapelle (cella) était
terminée, c'est
une chose qu'on pourrait avancer sans beaucoup de risques, puisque
l'acte de donation ... ne parle
que de la maison de Saint-Pons, mais il me paraît assez naturel de
croire qu'elle était un peu négligée, et que Garcende, en demandant à
s'établir dans cette solitude, avait l'intention d'habiter
momentanément cette maison, et de faire célébrer l'office divin dans
l'ancienne chapelle, en attendant l'érection de la nouvelle église,
dont la construction devait évidemment durer plusieurs années.
Quoi qu'il en soit, le chapitre de la cathédrale de Marseille était
devenu possesseur des églises de Saint-Martin de Gémenos, de
Saint-Clair, de Saint-Jean-de-Garguier et de Saint-Pons, par suite de
la transaction passée entre lui et le monastère de Saint-Victor, le 9
janvier 1119. " (Revue de Marseille et de Provence ... - 1863).
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La
chapelle Saint Martin du parc Saint Pons à Gémenos est
l'ancienne église paroissiale de Gémenos le Vieux.
Quelques années avant l'épisode de la dépouille du défunt, De Belzunce
raconte un autre épisode de cohabitation entre le monastère et le
chapelle qui se passa en 1310 : " Après le départ du roi Robert,
l'évêque Durand étant dans son château de Signe, l'abbesse de
Saint-Pons, Raimbaude de Trans, lui présenta, par le conseil de frère
André de Tortone, moine du monastère de Torronet, syndic et cellerier
de l'abbaye de Saint-Pons, qui était présent, un prêtre nommé Jean
Lombard ou Lombardi, natif de Ceyreste, pour remplir la place de
recteur de la paroisse de Saint-Martin de Gémenos vacante par la mort
de Bertrand Hugues, qui en était recteur.
Après information détaillée, l'acte en fut dressé. Il y était dit que
Jean Lombard étant humblement à genoux, comme il convenait, il l'avait
investi de l'église de Saint-Martin de Gémenos, par son anneau, sous
certaines réserves, dont les principales étaient que c'était sans
préjudice de son droit et de celui de son église ; qu'il ne serait
point dérogé au droit que l'on attribuait à l'abbesse et au couvent de
retenir une cense de soixante émines de bon blé du revenu de cette
église qui possédait alors de grands biens ; enfin, que si le nouveau
pourvu était ou avait été frère de l'ordre ou avait consacré ses biens
au monastère de Saint-Pons dans le dessein d'obtenir ce bénéfice, il en
serait privé pour cette raison. »
L'évêque Durand avait quelque raison de se tenir en garde contre les
moines de Torronet et les abbesses elles-mêmes de Saint-Pons. La
théorie de l'empiétement était fort connue dans les monastères, et le
clergé séculier a eu de tout temps à lutter contre les idées
d'agrandissement des ordres et des communautés. " (Revue de Marseille
et de Provence ... - 1863). |
"
Aussi c’est avec peine que l’on s’arrache à ce séjour enchanteur, qui
semble si éloigné des agitations du monde et des passions humaines.
Mais le pèlerin de la Sainte-Baume doit se rappeler qu’il a encore une
route longue et difficile à parcourir. Aussi fera-t-il prudemment,
après une légère réfection sur la pelouse, de se désaltérer une
dernière fois à la belle source de Saint-Pons et de reprendre le chemin
de la montagne.... " (Pèlerinages monastiques.
T. Bérengier, éd 1890-1892). |
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