Moulins à eau - 8
Les moulins de Véroncle sont des témoins
importants de l'histoire pré-industrielle et rurale de la région de
Gordes dans le Vaucluse. Au nombre de dix, ils ont fonctionné du XVIe
au XIXe siècle pour produire de la farine de céréales. Ils ont
aujourd'hui valeur de monuments.1 Cabrier et 2 Jean de Marre = trois des dix anciens moulins des gorges de la Véroncle à Gordes |
Notre terrain de jeu, nous descendons au fond des combles de
la Véroncle, mais avant un peu d'histoire géologique.
Peu avant la fin de l'ère secondaire, il y a
environ 90 millions d'années, une mer se retire progressivement et
laisse des dépôts marins calcaires sur plusieurs centaines de mètres
d'épaisseur. Ces calcaires vont constituer l'ossature de la plupart des
montagnes de Provence : Ventoux, Lubéron, Monts de Vaucluse,
Sainte-Victoire, Alpilles. C'est dans cette plate-forme carbonatée
qu'un cours d'eau, le futur Véroncle, va creuser son lit. |
Le moulin Cabrier, 7ème des 10 moulins, exploite la
topographie du lieu. En amont
un barrage stockait l'eau pour la libérer au moment voulu. Bénoni Cabrier en est le dernier meunier. C'est en 1874 qu'il fait édifier le barrage encore en place aujourd'hui. Ce moulin a fonctionné du XVIe au XIXe siècle. Il a été agrandi à une époque indéterminée. |
Révision pour ceux qui ont déjà lu les pages sur le moulin
de Palisson ou celui de Blanche, le fonctionnement est le même.
Ce
moulin est de type "à roue horizontale", système le plus simple et le
plus adapté aux cours d'eau non permanents, où l'on utilise l'eau
emmagasinée dans une écluse ou "resclause". De la resclause, l'eau est
acheminée par un béal (petit canal) jusqu'au réservoir (puits) avant
d'être canalisé dans une colonne de pression - le canon - dont
l'ouverture
est commandée par une "serrure" (vanne). Quand l'eau sous pression est
libérée,
elle provoque la rotation de la roue à cuillères et donc de l'axe
("bassègue") ; à l'étage, la meule
supérieure ("virante") se met alors à tourner alors que celle du
dessous est immobile ("dormante"). L'écart entre les deux
meules est réglée grâce à l'aiguille. Axe et meule tournante (supérieure) doivent être parfaitement solidaires pour assurer une rotation parfaite. Cette solidarité repose sur le centrage et l'équilibre subtil de l'ensemble mais aussi sur l'ancrage de l'anille à la meule, l'empreinte taillée au centre et à fleur de la meule devait en effet correspondre exactement à cette pièce en fer. |
Le
grain descend de la trémie et passe par l'œillard, il est ensuite broyé
entre les deux meules et transformé en farine : celle-ci est rejetée
par la force centrifuge dans un coffre en bois, l'arescle. L'aiguille, commandée par le meunier, a pour objet de déterminer l'écartement entre la meule "courante" (celle du dessus) et la meule "dormante" afin d'assurer la finesse de la mouture selon la qualité de farine désirée. Les céréales que l'on portait à moudre provenait surtout de la grande plaine agricole du Limergue, entre Gordes et Roussillon. Il s'agissait principalement de froment, culture dominante au XIXe siècle, mais aussi de seigle, d'orge ou encore d'épeautre. Plus de détails sur ce fonctionnement, voir la page consacré au moulin de Palisson. |
Outre les deux meules encore en place (en bas de l'image), deux autres ont été remployées comme dallage à l'intérieur tandis que deux autres reposent à l'extérieur. Et pour découvrir des carrières de meules, c'est ICI. Remarquez sur les deux meules du dallage et celle en vignette l'empreinte au centre permettant d'enchâsser l'anille et l'axe à la meule et les rendre ainsi solidaires. |
A gauche l'intérieur du moulin, et à droite, derrière la main courante, le réservoir ou puits. |
Nous sommes maintenant à l'étage inférieur : - ci-dessus, le canal de fuite, servait à rediriger l'eau vers la rivière après qu'elle ait provoquée la rotation de la roue à cuillères. A droite, l'axe - ou "bassègue" : - à son sommet, deux l'autre côté de l'ouverture (trou) on trouve les deux meules situées à l'étage supérieur : la "dormante" que l'axe traverse sans la toucher et la "tournante" dont elle est solidaire et qu'elle entraine en rotation. - sur le mur à droite, une ouverture obstruée par des pierres, c'est la sortie du canon (puits, réservoir) - c'est par là que l'eau arrivait sous pression pour faire tourner le roudet (roue à cuillères). - à sa base, la roue à cuillères a malheureusement disparu, elle était traditionnellement en bois avant d'être confectionnée en fer. Laissez ici votre souris quelques instants sur l'image de droite et ... |
A
gauche, un béal - canal - relie le puits accolé au moulin à une autre
retenue d'eau : la "Resclause", deuxième retenue d'eau aménagée au XVIe
siècle, à l'abri d'une baume. Devenue insuffisante elle sera complétée
en 1874 par un
barrage édifié par Benoni Cabrier dans un étranglement des gorges situé
un peu plus haut. |
On remonte donc le béal (ci-dessous) jusqu'au barrage (à
droite). |
L'aménagement hydraulique du moulin Cabrier. |
On reprend ce joli canyon, direction les moulins Jean de Marre. |
Ceux qui sont passées par le Destel noterons la similitude. |
Au début de l'ère tertiaire, il y a environ 50 millions
d'années, la collision des plaques africaines et eurasienne va
provoquer le plissement et la fracturation d'Est en Ouest des calcaires
provençaux. Les Monts de Vaucluse s'élèvent alors. Le futur Véroncle
s'y encaisse en empruntant par endroits des fractures qui lui donneront
ce tracé en méandres. |
Des balcons d'immeubles fossilisés. |
Moulin Jean de Marre (2). Ce moulin appelé "gruaire"
produisait de la farine de gruau (farine de blé de qualité supérieure). |
Même principe de fonctionnement que le moulin Cabrier. |
Moulin-ferme Jean de Marre (1). Ce moulin, le plus important de tous diffère des autres par sa taille et ses fonctions : agrandi à plusieurs reprises, il était aussi le siège d'une exploitation agricole. |
A l'intérieur, 4 niveaux : en haut le logement reconnaissable à sa cuisine (cheminée, évier, placard) ; en dessous le grenier ou chambre à grains bien situé pour alimenter la meunerie repérable à son moulage et au passage sous arc ouvert au XVIIIe siècle ; et tout en bas la salle du canal de fuite abritant le roudet (roue à cuillères). |
D'autres pièces comme le cochonnier indiquent qu'il s'agissait aussi d'une ferme. |
La formation
du canyon. Les phénomènes d'érosion vont se prolonger pendant des
millions d'années, au rythme chaotique des mouvements de l'écorce
terrestre et des variations climatiques. Deux phénomènes se conjuguent
; l'approfondissement et l'élargissement. Le premier est dû à une
intense phase d'érosion par la rivière, il y a environ 6,5 millions
d'années, qui a considérablement creusé le relief. Le second phénomène,
l'élargissement est dû au gel qui creuse les parois. Il a été plus
particulièrement vifs lors des périodes froides du Quaternaire, entre
2,4 millions d'années et moins 10000 ans. |
Ce n'est pas
Navacelle mais tout aussi joli. Aujourd'hui
déserté, cet espace a été occupé pendant des siècles. Les coupes de
bois, pour le chauffage, les forges ou le tannage du cuir, ont, avec le
surpâturage, accentué l'érosion naturelle. Aujourd'hui inexploitée,
l'espace est reconquis par le chêne vert après une apogée démographique
au XIXe siècle, la campagne était alors partout exploitée pour nourrir
les populations. Vous retrouverez toutes ces explications sur les panneaux descriptifs disposés tout le long du site. |
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