Ex-voto de Provence - le péril encouru et la
prière exaucée,
selon le vœu ...
" Il y a là tout un monde
de catastrophes : incendies, éboulements, combats, naufrages, accidents
de terre et de mer, épidémies, maladies désespérées, ouragans et,
tempêtes. "
Pour nous visiteurs, l'intérêt " est surtout dans l'expression tour à tour naïve, énergique, exaltée et toujours profonde des ex-voto qui remplissent l'intérieur. Des armes, des béquilles, des modèles de navires, des coiffures de matelots, un pavillon à la croix grecque, souvenirs de combats, de tempêtes, d'infirmités suivies de salut ou de guérison, sont suspendus aux murailles. Toutefois la forme particulière de l'attestation donnée à des prières exaucées est ...surtout une représentation figurée. Certes, si l'on venait chercher ... une galerie d'objets d'art, les peintures qu'on y trouve n'obtiendraient guère que des dédains. Mais il y a là ce qu'il y avait aux temps où un art imparfait était au service de croyances vives et sincères. Il y a là conviction qui s'affirme sans craindre les railleries d'une incrédulité froide et moqueuse qui veut imposer des limites à la puissance et à la bonté de Dieu. Actes spontanés et volontaires d'un souvenir inébranlable, les ex-voto ... racontent le péril encouru et la prière exaucée. " (Amédée Aufauvre - La Semaine des familles : revue universelle hebdomadaire, Volume 4 - 1861-1862). |
Les ex-voto de
la collégiale Saint-Paul d'Hyères.
22 décembre 2019, les 432 (430) ex-voto de la collégiale Saint-Paul d'Hyères ont été inventoriés, nettoyés, restaurés et sont enfin de retour après plusieurs années d'absence. Presque tous proviennent de la chapelle Notre-Dame de Consolation située sur la colline de Costebelle et détruite par un bombardement en 1944. 400 ans d'histoires - le plus ancien 1613, le plus récent 2001 - nous racontent les accidents de la vie avec une simplicité touchante et une incroyable richesse historique. Ainsi, ce "monde de catastrophes" évoque-t-il les maladies, épidémies, naissances, accouchements difficiles, demandes de guérison, incendies, brûlures, les éboulements, noyades, batailles, guerre, naufrages, accidents domestiques, professionnels, agricoles, de chasse, de la route (charrette, diligences, voiture, vélo, camions, trains ...), les tempêtes, sècheresses, naufrages, les chutes, noyades, foudroiements, morsures, bagarre, mais aussi les actions de grâce (prières) ou encore les représentations religieuses. |
Ces 9 ex-votos ont une particularité, j'ai pu les retrouver
sur une vieille carte postale de ND de
Consolation ... |
L'ex-voto se confond avec
les croyances humaines ; objet
symbolique placé dans un lieu sacré (temple,
église, sanctuaire ...), profane, ou vénéré
(grotte, arbre ...), comme
remerciement d'une grâce obtenue, il témoignage
de la reconnaissance d'une action divine après
l'accomplissement d'un vœu. Un ex-voto pourrait être : presque tout ! Pour les civilisations antiques - les Romains notamment - il s'agissait le plus souvent de statuettes (humaines ou animales), de plaques gravées, ... Pour les Chrétiens, l'ex-voto se décline en une foule d'objets : des plaques avec inscription, des crucifix, bijoux, chapelets, médaillons, béquilles, prothèses, reproductions anatomiques (bras, main, jambe, organes ...), lunettes, tableaux, broderies, couronnes, maquettes de bateaux, vêtements (de la layette du nouveaux-né aux maillots de sportifs ...), des chaines de prisonniers libérés, une étoile suspendue comme à Moustiers-Sainte-Marie, des peluches, des volants d'automobiles, vélos, médailles militaires, mèches de cheveux, photos, tonneaux, pierres, animaux naturalisés (comme le crocodile de ND des Anges), vases, verres, guitares ou encore un simple morceau de papier sur lequel est écrit le vœu … Remarquez à gauche les ex-voto sur fond bleu lettres d'or, leur apparition date du milieu du XXe siècle. Pour le crocodile, cet étonnant ex-voto suspendu au plafond de la chapelle ND des Anges a été offert par Jules Gérard (1817-1864), habitant de Pignans. Ancien Spahis d'Algérie, il aimait raconter avoir tué 27 lions et fut ainsi surnommé le « tueur de lions ». Il aurait ainsi inspiré Alphonse Daudet pour son célèbre "Tartarin de Tarascon". |
Ex-voto
: une étoile suspendue à
Moustiers Sainte Marie L’étoile de Moustiers est suspendue entre les falaises dominant le village grâce à une chaîne de fer forgé longue de 135 mètres et pesant 150 kg. D'après Frédéric Mistral, il s'agit d'un Ex-voto offert par le chevalier de Blacas. Ce dernier avait en effet fait vœu d'offrande s'il rentrait sain et sauf de son emprisonnement de Damiette (Syrie) intervenu alors qu'il était en Croisade au début du XIIIe siècle. Cette version n'est toutefois qu'une parmi d'autres, les Rois Mages ou encore quelque histoire d'amour ayant pu elles aussi contribuer à forger la légende de cette originalité. L'Etoile bienveillante de Moustiers serait tombée à terre au moins onze fois alors que l'actuelle domine le village depuis 1957. Elle mesure 1,25 m et a été dorée à l’or fin en 1995. |
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1643, le mot ex-voto dans un poème de M. de Saint-Amant (La
Rome
ridicule-Caprice) :
"... Pourvu qu'un Autel soit orné, De maint, ex-voto
griffonné ... " et ce commentaire en 1714 : " Toutes
les murailles
des églises en sont couvertes en Italie. " Support et technique : sur bois (XVII-XVIIIe), toile (XIXe), papier, carton ... tous ces supports se succèdent ou se superposent en fonction des techniques utilisées au fil des années : huile, aquarelle, encre, crayons, lithographie, tissage, broderie, photos ... Remarquez ci-dessus la toute petite plaque en marbre avec la simple inscription "Merci", aujourd'hui très commune dans beaucoup d'églises ; l'apparition de ce type d'ex-voto date de la fin du XIXe siècle. |
" La pratique de se faire représenter sur un tableau en don votif à la suite d'une grâce reçue est née en Italie centrale au XVe siècle. Au XVIe siècle, elle se répand en Italie et passe en Provence vers 1600, par l'intermédiaire de deux régions qui entretiennent des contacts étroits avec l'Italie : le port de Marseille d'une part, la ville d'Avignon et le Comtat, terre du pape, d'autre part. On peut suivre une extension de cette nouvelle forme de dévotion en basse Provence à partir des années 1660, dans le contexte du grand élan dévot de la réforme catholique, extension qui se poursuit au long du XVIIIe siècle. ... |
... L'ex-voto est une
dévotion populaire pouvant être mal vue, à l'occasion, par la
hiérarchie ecclésiastique qui la contrôle mal. Mais dans sa forme
peinte, au XVIIe siècle, il apparaît lié à l'essor de la réforme
catholique. En effet, généralement (deux fois sur trois) l'ex-voto peint est dédié à la Vierge, ou alors à quelques grands saints bibliques : saint Jean-Baptiste, saint Joseph, sainte Anne. L'ex-voto peint s'adresse très rarement aux saints de terroir, « les saints de la porte » comme les appelle A. Dupront, ces saints de dévotion populaire relégués au bas de l'église, loin de l'autel, par la réforme catholique. D'autre part l'image que présente l'ex-voto de cette époque est tout à fait conforme aux canons du tableau d'église : grande représentation du saint ou de la Vierge, personnages humains en prière. Enfin, cette dévotion est adoptée à ses débuts par l'élite sociale : nobles, bourgeois, ecclésiastiques remettent des ex-voto peints, les gens du peuple également. |
En un mot, l'ex-voto peint nous
apparaît comme un bon exemple de la rencontre d'une attente de religion
« populaire » traditionnelle (don votif en échange d'une protection
reçue) et d'un modèle iconique et dévotieux (à la Vierge et aux grands
saints) présenté par l'Eglise de la Contre-Réforme. Ou encore, pour
reprendre les catégories proposées par J. Delumeau, un point de
rencontre entre la dimension magique et la dimension religieuse. " (Les
Alpes françaises, région frontière de l'ex-voto peint - Bulletin de la
Société d'études des Hautes-Alpes - 1985 - Bernard COUSIN, Centre
méridional d'histoire des mentalités, Université de Provence). Bernard Cousin est l'auteur d’une thèse d’histoire " Le Miracle et le quotidien. Les ex-voto provençaux, images d’une société " (1981). Dans les années 1970-1980, il avait réalisé une enquête photographique de terrain dont les meilleures clichés numérisées sont présentées sur ce site : http://exvoto.mmsh.univ-aix.fr/ . |
L'intercesseur
Parmi les grandes constantes on compte l'intercesseur : "qui intercède en faveur d'une autre personne", majoritairement une représentation de la Vierge dans la partie haute du tableau ; et les orants : "Personnage représenté les bras levés ou les mains jointes dans l'attitude de la prière." (Larousse). La scénographie évolue aussi avec le temps, les milieux populaires sont plus présents, l'évènement devient plus important, les textes sont plus longs. A gauche, " Mme Vieil Justine, ayant été dangereusement malade s'est recommandée à la Ste Vierge, qui l'a exaucée. Hyères, le 18 10bre 1841. " |
LES
AUTEURS.
Observez ci-dessus les deux tableaux entourés en rouge, ils sont du même peintre : Victor Otton. " Il faut donc dire un mot, en passant, de ces ateliers de peintres d'ex-voto. Ils étaient itinérants, on les trouvait généralement près des sites de pèlerinage ou près des chapelles bien achalandées. Ils s'installaient sous des tentes, dans des grottes, s'il y en avait à proximité, et, à la belle saison, simplement sous les ombrages, ce qui était la meilleure situation, les chalands étant ainsi directement en contact avec le produit de l'atelier. Les patrons de ces sortes d'officines étaient des personnages un peu plus délurés que les autres et qui avaient fait ce qu'il fallait pour être dans les papiers des autorités ecclésiastiques de l'endroit. Certains donnaient des ristournes aux conseils de fabrique ou de la main à la main, au prêtre et surtout au bedeau. Les ouvriers travaillaient à la commande en plein air (...). " Extrait de : "Le déserteur" de Jean Giono - il recompose (imagine) la vie de Charles-Frédéric Brun, peintre suisse d'origine française (1811-1871), réfugié dans les montagnes du Valais et auteur de peintures religieuses, dont des ex-voto. " Les œuvres sont souvent anonymes et donc non signées ; l'attribution à un même peintre est alors plus difficile et ne peut se faire que par comparaison et rapprochement de style, comme pour les deux ex-voto de la photo ci-contre (entourés en rouge). |
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Victor Otton a signé 9 œuvres
de la collégiale
St Paul dont celle-ci : " De Fortuné Décugis agé de 30 ans le 10
novembre 1872 " accident de chasse dû à l'explosion du canon d'un
fusil. En regardant bien, vous verrez d'autres ex-voto sur le même thème, remarquez d'ailleurs plusieurs crosses de fusils au milieu des béquilles et attèles en bas à droite de la photo ci-contre. |
" ... il est parfaitement inutile de s'obstiner à découvrir
l'auteur de ce tableau, sans doute un de ces nomades circulant, selon
les commandes, à travers la Provence ou le Comté de Nice, passant
alternativement de France en Italie, ouvriers consciencieux possédant,
à défaut de génie, une certaine maîtrise, entrepreneurs de peinture
plutôt qu'artistes au sens actuel de ce mot. Il ne s'agissait pas du
reste d'innover, mais de répéter quelques types agréables à une
clientèle de modestes couvents, de petits paroissiens associés pour
décorer la chapelle de la confrérie. " (Bulletin de la Société d'études
scientifiques et archéologiques de la ville de Draguignan - A.
Bonnet - 1914). Les œuvres signées apparaissent à partir du XIXe siècle, leurs auteurs sont d'abord des peintres, des professeurs de dessins mais aussi des amateurs comme Alexandre Vérignon, pharmacien à la Crau, un poissonnier à Solliès-Ville, un ébéniste, un maçon, un menuisier, des peintres en bâtiments, un décorateur ... |
Quelques thèmes de ce "monde de catastrophes" |
L'action
de grâce.
" Regardons maintenant les attitudes des personnages humains. Si l'on met à part la victime, une attitude prédomine, celle de prière. Sur les ex-voto du XVIIe siècle, c'est pratiquement la seule attitude adoptée, et elle demeure encore très largement majoritaire au XVIIIe siècle. Au XIXe siècle le phénomène de laïcisation de l'image votive se traduit aussi, et surtout, par l'abandon massif de cette attitude de prière, particulièrement parmi les hommes. " (Bulletin de la Société d'études des Hautes-Alpes - 1985). A gauche, l'ex-voto les plus ancien de la collégiale St Paul date de 1613. Cette forme gratulatoire - remerciement, personnage en action de grâce va progressivement laisser la place à la représentation des évènements. |
Ex-voto
: la maladie et la demande de guérison.
C'est le
thème le plus souvent représenté car le plus
universel, surtout avant les progrès de la médecine. |
Ex-voto de Anne Marie Ayguier épouse de Jean François
Barbaroux d'une maladie au mois d'avril. Année 1826." |
Apparus
au milieu du XVIIIe siècle, les accidents de la circulation et des
transports.
Vous serez très certainement surpris par le nombre d'accidents de charrettes ! Mais pas que, diligences, trains, bus, vélos, voitures, camions, motos, tramway, et même tracteurs vont progressivement rejoindre ce sujet désormais intemporel. |
Olive Joséphine,
" jettée à terre, & trainée par son
véhicule d'une distance de 200 Mètres."
L'intérêt de cet ex-voto est dans la précision du texte : " Le 8 juin 1892. La nommée Olive Joséphine âgée de 47 ans résidant à la Moutonne revenait paisiblement de la place au marché de Toulon quand elle fit la rencontre sur la grand'route d'un chard, qui par une inattention des 2 cochers, les 2 véhicules se heurtèrent. Le choc fut si fort que celui de la dame Olive n'étant pas charger fut forcé à culbuter la malheureuse fut jettée à terre, & traînée par son véhicule d'une distance de 200 Mètres. La suite de cette malheureuse rencontre ne fut qu'une blessure à la jambe ; c'est pourquoi que la dame Olive à recours à Notre-dame de l'avoir ainsi préservée d'une mort sûre et certaine. " |
Accidents de
diligence, dont celui de la diligence du
"Service d'Hyères à Toulon".
Des diligences entre Hyères et Toulon, extrait de "Le cicerone toulonnais : guide du voyageur dans la ville de Toulon" de J.D. Henri en 1840 : " On ne vient pas à Toulon sans aller visiter ce petit canton privilégié (ndlr : canton d'Hyères), où les Hespérides ont jeté à pleines mains leurs belles pommes d'or, et que la nature a doté d'un climat bien précieux pour les malades, à qui la médecine recommande une température douce, saine, modérée pendant l'hiver. Des diligences partant tous les jours, le matin, de la place au Foin, et le soir, de la porte d'Italie, et se croisant avec celles qui retournent, offrent au voyageur toute la félicité désirable pour faire cette course. " |
Vélo contre voiture. " Reconnaissance à la Vierge Marius
Giraud, Hyères mars 1913 " signé Senchez. |
" Olivier,
Michel, ex-voto Noël 1998 ", camion "grillant"
un feu rouge contre voiture
et " Ex-voto : Marie Campagne agée de 25 ans - 27 octobre 1890. "
Remarquez les graffitis qui ne sont pas de la même année, au milieu : "
Protège-moi pour que je travaille bien toutes les années. M.
G... " ; plusieurs tableaux en comportent. |
Parapente et tracteur. " DAIDE. En remerciement à St André
pour avoir réalisé mon rêve : voler. SIGNES le 17 mai 1989. " et "
Merci : R.C . 28.05.1993 J LASNE ". |
"
ex-voto donné par Paul Boyer victime de l'accident du chemin de fer de
Saint Nazaire (Sanary) le 5 février 1871"
" On se rappelle que le 5 février 1871, un train de voyageurs allant de Marseille à Nice et traînant, malgré les règlements, quatre wagons de poudre, avait sauté près de la station de Bandol en laissant sur la voie 68 morts et 90 blessés. " (Le Figaro - édition du 13/07/1871). " Le train se trouvait à deux tiers du chemin entre Bandol et Ollioules, lorsque une détonation terrible, épouvantable, s'est fait entendre fort loin : c'étaient les wagons, de munitions qui venaient de faire explosion. « L'événement, a été affreux : les personnes sauvées couraient en désordre, folles de terreur ; les cris des blessés, les appels, les sanglots, tout était horrible. Une autre lettre écrite de Marseille complète ainsi ces informations : « La catastrophe a été épouvantable ; elle a été amenée par l'explosion de 15,000 kilos de poudre. Onze wagons de voyageurs ont été broyés ! En voyant sortir de la gare de Iongues lignes de brancards ensanglantés, notre population atterrée a pu se rendre compte de la gravité du désastre. Et elle n'a pas tout vu ! En attendant que l'on puisse rechercher la cause du sinistre, et surtout connaître le motif urgent qui avait fait glisser un wagon de munitions dans un train de voyageurs, il est juste de rendre hommage au zèle et au dévouement de tous. Le corps médical a été remarquable, en, se mettant immédiatement à la disposition de l'administration, à la première nouvelle de la catastrophe. L'explosion s'étant produite en rase campagne a néanmoins occasionné des dégâts matériels inexplicables : des toitures de maisons de campagne ont été enlevées à une assez, grande distance. Les rails sont arrachés sur une longueur de 150 mètres, et sur les 20 wagons qui formaient le train, en-dehors des 11 complètement détruits, les 9 autres sont en lambeaux. La commotion a été si violente que la plupart des blessés et presque tous les morts ont eu les yeux arrachés de l'orbite et la figure criblée d'éclats de verre. " (Le Constitutionnel : journal du commerce, politique et littéraire - édition du 15/02/1871). |
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Ex-voto,
accident de train - 1907.
" Reconnaissance de Caroline Hugues âgée de 18 mois, avril 1907, A N. Dame. " La fillette apparaît juste devant la locomotive. Une gare et son abri au premier plan. De 1905 et 1949 une voie ferrée longeait la côte entre Toulon et St-Raphaël, le train qui l'empruntait était appelé "le Macaron". Une partie de de cette ancienne voie ferrée a largement était reconvertie en piste cyclable au départ de Toulon. |
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Ex-voto,
accident de train - 1926.
" ~ Reconnaissance de Mme Anna Orengo née Diaque à Notre Dame de Consolation ~ pour l'accident de chemin de fer, survenu le 26 décembre 1926 à San Salvadour ~ " San Salvadour se situe entre Toulon et Hyères. |
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Ex-voto : les noyades |
" Ex-voto Joséphine Coulet âgé de 2 ans se noyait a été
sauvée par son frère agé de 12 ans, au Pesquier Hyères 27 7bre 1853. " |
Ex-voto
- les sècheresses. Lorgues, collégiale St Martin, un ex-voto à
Sainte-Rossoline-aux-Arcs
" Les Habitants de Lorgues, affligés par un sècheresse qui régnait depuis quatre mois, allèrent au nombre de plus de trois mille, en procession, vénérer ses reliques le 8 mai 1817, et obtinrent ce jour là-même une pluie abondante. " " L'intérêt et le plaisir abordent les hommes qui oublient celui qui est les dispensateur de tous les biens. Pour élever les regards vers le ciel, notre partie véritable, il nous être frappés par le malheur, être témoins de quelque calamité, voire la tome s'entrouvrir devant nous. Heureux, lorsque, rappelés au devoir par quelque avertissement lugubre, par quelque grave épreuve, nous nous souvenons de Dieu de qui vient la miséricorde et le secours. Le récit suivant s'applique à une circonstance semblable; j'en ai été témoin et j'ai cru devoir lui donner de la publicité. ... |
C'était au printemps de 1817. Il n'avait pas plu en Provence depuis le moment des semailles, tandis que dans le nord de la France, les torrents et les rivières débordaient et inondaient les campagnes : la germination s'était pourtant opérée, et la sécheresse seule était désastreuse. On avait vu les premières fleurs s'épanouir, l'amandier secouer son émail, la campagne donner un bel espoir, quand une perspective désastreuse change de face toutes ces promesses. Les céréales surtout étaient menacées. Le bon roi Louis XVIII, ému par les plaintes des gens de la campagne, invita les évêques à ordonner des prières, pour obtenir la pluie. Dans le département du Var, il y eut partout des prières publiques et des neuvaines ; mais le ciel semblait sourd à tant d'invocations. Le mois d'avril était passé, et le ciel était désespérément serein, et la chaleur du soleil acquérait chaque jour plus d'intensité. La population de Lorgues, comme pour faire violence, par sa foi, au ciel se montrant toujours irrité, accourt en foule tous les soirs aux pieds des autels et y prie avec les meilleurs sentiments. Les habitants des campagnes se rendent avec empressement à ces exercices pieux ; l'église est trop étroite pour contenir l'affluence. Des groupes de fidèles se réunissent en outre dans tous les quartiers, et se dirigent sur la colline de Saint-Ferréol (photo à droite), patron de la ville, et ces processions défilent avec recueillement, à la lueur des étoiles, en psalmodiant le Miserere mei. Arrivés à l'ermitage, chacun se prosterne et invoque le Saint. Cet élan spontané de foi chrétienne, sans prêtre, sans croix, dure pendant quinze jours de la manière la plus touchante, et va toujours croissant en nombre. Les vieillards et les infirmes, ne pouvant suivre les pèlerins sur la montagne, se rendent à la même heure à la porte de l'église, et font les mêmes invocations. Je ne saurais dire quelles étaient les angoisses générales, dans le département du Var, à la vue des moissons compromises ; mais partout les prières montaient au ciel. Ce que je n'oublierai jamais, c'est d'avoir vu alors, l'impie, le libertin, l'indifférent, la femme mondaine marcher, la tête basse vers le temple et écouter les instructions qui s'y donnaient ; ils étaient exemplaires. La population entière est exacte au rendez-vous. La cloche sonne ; on part. Une femme du peuple, dont la vie avait été jusques là peu édifiante, s'avance les pieds nus, prend une croix de bois et ouvre la marche du cortège pieux. Plus de 1500 filles ou femmes, vêtues de blanc, voilées et un cierge à la main, se rangent sur deux files en chantant le Miserere mei, le Purce Domine. 4500 hommes suivent également une autre croix. Beaucoup marchent pieds nus, un sac sur la tête, une corde au cou et à la ceinture. Les notables du pays et le clergé forment la fin de la procession qui se développe dans une étendue de deux kilomètres. C'était sans doute une nuit solennelle que cette manifestation de pénitence. La nature était calme et semblait attentive à ce spectacle. Bientôt les habitants des campagnes voisines se joignirent eux aussi à la procession, portant des cierges et allant franchir les 22 kilomètres qui séparent la ville de la dévotion indiquée. A la descente de Taradeau, à 6 kilomètres de la ville, la route serpentant sur le penchant d'une colline boisée, présente à l'œil un aspect magique. A l'aurore, la procession se trouvait à peu de distance des Arcs, où passaient en ce moment plus de trente charretiers de Marseille, allant à Nice ou en revenant. Ces hommes si enclins à blasphémer le nom du Seigneur, s'arrêtent, se mettent à genoux, et s'unissent en esprit à l'immense caravane. ![]() Après l'office, la foule se répand dans les vastes prairies d'alentour, et prend un repas avec quelques provisions apportées. C'était encore là, au sein d'une nature splendide, un tableau bien saisissant. Vers midi, le signal est donné : on repart dans le même ordre que le matin. On oublie la fatigue, On prie, on prie toujours. La pénitente qui portait la croix avait les pieds meurtris ; elle se réhabilitait. A 7 heures du soir la procession était dans l'église de Lorgues (photo de gauche : collégiale St Martin de Lorgues), où la cérémonie fut terminée par la bénédiction du Saint-Sacrement. Le ciel était apaisé : une pluie fine commence à tomber, tandis que chacun rentre chez soi. Bientôt cette pluie est plus abondante et continue toute la nuit. On ne craint plus la famine, et la récolte donne dès le lendemain les plus belles espérances qui ne seront pas trompeuses. Dix jours après cet événement mémorable, les fidèles de Lorgues reconnaissants se rendaient en nombre égal, au sanctuaire de sainte Rossoline, en chantant le Te Deum, et déposaient dans la chapelle un ex-voto et une table de marbre où est gravée la relation du pélerinage. " (La France littéraire, artistique, scientifique - Courdouan - 1864). |
ex-voto - les chutes |
Ex-voto 1871. Deux personnes tombées de la falaise vont
bientôt être secourues. |
Accident de charrette, chute dans un cours d'eau, risque de
noyade et enfant tombé dans un puits : " Ex-voto 1871 Fait à Notre-Dame
... Hyère le 26 juin 1903 Vtin Marey. " et " Ex-voto Francis
Tousaint-Lambert 1743 ". |
" Ex-voto de Jean-Baptiste Boufier d'Hyères 1842 ", tombé
dans un moulin à huile (en haut de l'image). |
" Ex-voto :
Giraud Paul, Hyères 12 mai 1882. " Chute d'un mulet dans une
noria. Notez surtout l'importance des animaux servant aux travaux
agricoles, revoir ici le début de page et la chute d'un cheval de
labour. |
Ex-voto - la foudre. |
" Ex-voto. Jean Besson, pêcheur ... " Il en existe un autre
quasiment identique : Foudre sur la cabane d'Aimé-Théodore Barbugelata
- 1850. |
" Ex-voto le 17 septembre 1886 " |
Et
toujours dans "ce monde de catastrophes"
Un cheval "carnivore" en 1878, un sac (?) provoque un effondrement d'étages dans un immeuble en 1862, des personnes s'échappent d'une maison en feu en 1877, un homme brûlé par un seau d'essence enflammée en 1926 ... |
Ex-voto - même les bagarres ! |
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1867 et 1873, ces deux ex-voto impressionnent par leur réalisme. A droite, " Ex-voto. De Victor Brun âgé de 58 ans le 18 avril 1873. " Remarquez le témoin sur la droite dans l'angle de la maison. A moins qu'il ne s'agisse du commanditaire ? |
LA
GUERRE
Peu représentée, sinon à l'image de l'ex-voto de Roquebrune sur Argens ci-dessous, quelques ex-voto de la Première guerre mondiale et un peu plus concernant celle de 1939-1945, les plaques de marbre étaient alors souvent préférées aux tableaux. |
22
août
1707, " Autour de l'ex-voto du duc de Savoie " de Roquebrune sur
Argens
La Maison du patrimoine de Roquebrune-sur-Argens, incontournable pour qui veut découvrir l'histoire de ce village, notamment un milliaire romain, une collection d'ex-voto, le tout autour d'une glacière du XVIIe siècle. " Ce qui nous intéresse ici c'est " l'ex-voto du duc de Savoie " aux dimensions inhabituelles, 128 X 85, cm. Décryptage grâce à un article (résumé) d'André Bérutti intitulé " Autour de l'ex-voto du duc de Savoie. Le 22 août 1707, les troupes savoyardes commandées par le duc de Savoie et les troupes autrichiennes abandonnent le siège de Toulon. Les fuyards sont poursuivis par les troupes du maréchal de Tessé qui les talonneront jusqu'au Var, frontière orientale de la France. C'est le 25 août 1707 que se situe un heureux et extraordinaire événement qui va atténuer la cruauté de cette retraite à travers une région parsemée de cadavres et de ruines encore fumantes. Le Cannet-des-Maures, Vidauban, Les Arcs et Le Muy, les quatre villages précédant Roquebrune-sur-Argens, ont été incendiés et pillés par les troupes austro-savoyardes en retraite ... |
... un panorama saisissant, les événements qui, en douze heures, ont eu pour scène le petit village de Roquebrune-sur-Argens. Une Piéta de belle facture domine le rocher et le sanctuaire, témoignant de l'intervention de la Vierge. La précision des détails est une véritable mine de renseignements pour les historiens et les chercheurs. Il s'agit d'une œuvre de belle facture, anonyme bien entendu, mais que l'on doit certainement à un artiste véritable, plutôt qu'à un peintre occasionnel comme c'est souvent le cas pour les peintures votives. Heureusement, en 2004, Mme Jeanne Laplaud a réalisé une magnifique restauration muséale, selon les règles de la charte de Venise, en doublant la toile, changeant le châssis, nettoyant les couleurs, fixant les parties écaillées, comblant les vides et chassant le lourd nuage qui cachait inopportunément la Piéta. La chapelle de Notre-Dame-de-Pitié, écrin depuis 1707, a été englobée dans le monastère du St-Désert de ND-de-Pitié (photo ci-dessus) où, depuis 1948, des carmes déchaussés mènent une vie cénobitique. Parmi la centaine d'ex-voto qui l'ornaient, certains ont été transférés dans la maison du patrimoine et remplacés par de très médiocres photographies. " (texte complet, Bulletin du Var - éd 2008). |
Ex-voto de la
Première guerre mondiale avec médaille, agrafe "Maroc"
: " Vœu exaucé. Madame Cécile Moretti Hôtel Costebelle Hyères
Notre-Dame de Consolation Gyères (Var) - Grande guerre 1914-1918 " |
Ex-voto : "
Reconnaissance à Notre Dame de Consolation : les avions italiens
m'ayant mitraillée en gardant mon troupeau j'ai invoqué Notre Dame elle
m'a protégée j'en suis sortie saine et sauve ; bombardement du 13 juin
1940. Piot Charlotte. " |
Ex-voto : "
Reconnaissance à Notre Dame de Consolation : bataille de Pertin 6 juin
1940 .CL. " signé J. Fauchery. Le site
dossiersinventaire.maregionsud.fr signale une inscription au
revers " Offert par M. Chapelier Louis ", très vraisemblablement
les initiales. Par contre Pertin ? En cherchant un peu il s'agit de Pertain, avec un "a", ancienne commune française située dans le département de la Somme, devenue une commune déléguée au sein de la commune nouvelle d'Hypercourt en 2017. " Du 4 au 7 juin 1940, les 2500 hommes du régiment bloquent l'avance de l'armée allemande. Succombant sous le nombre des attaques d'infanterie, des panzers et des bombardements de l'aviation, de l'artillerie, 800 hommes sont faits prisonniers. " (wikipedia). |
La
guerre : ex-voto
marin, le drame du paquebot Meknès.
" Autre aspect de la culture populaire liée à l'eau en Méditerranée : les ex-voto maritimes. Les communautés du monde de la mer ont, plus que d'autres, été amenées par leur quotidien à donner une place importante dans leur univers mental à la piété, à être plus prédisposées à une certaine spiritualité. Cette expression dans la culture populaire en Méditerranée s'est manifestée sous de multiples formes : cultes de saints, procession et pèlerinages, figures de proue représentant des saints ou la Vierge Marie pour un recours à la protection céleste, etc., ... Peintures naïves, maquettes de bateau, graffiti, mise en scène d'objets divers (tels que poisson en métal découpé, boucle d'oreille, bonnet du matelot, baril qui sauva de la noyade...) sont autant d'expressions de cette culture populaire. Il faut insister sur la place prépondérante faite à l'œuvre peinte, qu'il s'agisse d'huiles sur bois ou sur toile ou d'aquarelles. À la fin du XVIIIe siècle, on voit l'émergence de peintres issus du monde maritime : pilotes, hydrographes, marins retraités. ... (Bulletin de l'Académie du Var - 2010 - Christiane VILLAIN-GANDOSSI). |
La guerre en
mer, Ex-voto : "
Reconnaissance à ND de Consolation pour sa protection lors du
torpillage du Meknes 24 juillet 1940. C.NE DE C.TTE. A.H. " 420
morts dans le naufrage de ce paquebot transportant des soldats français.
Le 24 juillet ... Treize cents (1300) personnes environ sont à bord y compris l'équipage du paquebot. Nous faisons route vers Marseille. La nuit est tombée et il fait beau. ... il est près de 11 (23) heures lorsque nous regagnons nos chambres. Nous sommes encore dans la coursive lorsque nous parvient un bruit caractéristique : tac, tac, tac, tac... des coups bien espacés puis un coup plus fort — boum ! Le navire est attaqué à la mitrailleuse et, à bâbord, par un petit canon. De ma cabine située à tribord j'entends les balles s'écraser contre la coque. Mauvais ! L'assaillant continue de mitrailler ; un hublot vole en miettes. Tout le monde gagne hâtivement les hauteurs. ... La suite : ICI ... |
Ex-voto
marins
" L'EX VOTO MEDITERRANEEN : SPECIFICITE. Si par sa démarche et l'objet qui le constitue, l'ex-voto méditerranéen ne diffère en rien de celui des mers du Ponant, il présente quelques caractères spécifiques, en ce qui concerne les événements qui peuvent le susciter. Dans toute la Méditerranée, le marin adresse ses vœux à Notre-Dame de la Garde, la « Bonne Mère » - ndlr ou "de Bonne Garde", c'est à dire ND du Mai à Six Fours dans le cas de l'ex-voto ci-dessus. Toutefois, il existe des saints particuliers à certaines régions ainsi, Sainte Eulalie protège les marins du Roussillon et de la Catalogne, et Saint Roch ceux du Languedoc, pendant qu'en Provence, l'on implore Saint-Louis d'Anjou ou les Saintes Maries de la Mer, et en Corse Saint Elme, Saint Erasme ; ces derniers sont en fait considérés comme les saints protecteurs du golfe du Lion et de la mer Tyrrhénienne. |
" Ex-voto 1872.
Joseph Pignol sauvé d'un coup de vent d'est : A notre-Dame de
Bonne-Garde Reconnaissance !!! "
La soudaineté des tempêtes méditerranéennes, le « coup de mistral » qui rejette le bateau au largue, même tout près du port, est source de nombreux ex-voto relatifs à de petits voiliers, alors qu'en général, l'ex-voto concerne de plus grands navires. D'autre part, si quelques ex-voto des mers du Ponant rappellent des combats en mer, aucun ne fait référence à un acte de piraterie, alors qu'en Méditerranée, ceux-ci sont très nombreux. " (Cols bleus : hebdomadaire de la Marine française - D. Le brun - 12/08/1978). |
Ex-voto. Naufrage du bateau St Jean venant de St
Tropés le 29 mars 1852. Un coup de vent le chavira monté par deux
hommes, l'un a péri, et Pierre Merle est resté depuis 3Hes du soir
jusqu'à 8 Hes du matin sur le bateau ; il a été sauvé par la Grâce de
la très Ste Vierge qui a envoyé le tartane la baptistine de La Seyne
Capitaine Laurent qui est venu à son secours. " Ces représentations témoignent de l'affrontement homme/mer, mais aussi de l'affrontement homme/nature/divinité. Qu'ils soient gratulatoires, propitiatoires, commémoratifs ou subrogatoires, ce sont les ex-voto des régions méditerranéennes qui seront le plus influencés par ce type de dévotion (la religion réformée ayant freiné leur éclosion dans les pays du Ponant). Le recours à la puissance céleste prendra le plus souvent les traits de la Vierge, qu'elle soit appelée Notre-Dame de La Garde, de Bonsecours, de Bonaventure, de Consolation, de Pitié, la Bonne Mère... Les saints invoqués sont plus accessoires : saint Nicolas de Bari, saint Elme, sainte Sarah, saint Pierre, sainte Lucie... Dans la pratique de cette dévotion, il faudra évoquer une évolution. La peinture votive est en général organisée selon deux registres : « l'espace humain », mettant en scène le navire, les hommes, la mer et le drame qui s'y déroule ; « l'espace céleste » qui montre la Vierge ou l'intercesseur installés dans les nuées. Le « cartouche », précis comme un journal de bord, donnera la clé de la scène, le lieu, la date, le nom des protagonistes. C'est dans le changement de la répartition de ces deux espaces, humain et sacré, que s'éclaire l'évolution du sentiment religieux. Jusqu'au XVIIIe siècle, l'importance sera mise dans les gestes de prière, dans l'action de grâce (songeons à cet ensemble du XVIe siècle de la chapelle Madonna delArco à Naples). Plus tard, le peintre, marin lui-même, mettra tout son talent à figurer le bateau pris dans la tempête, au détriment de la représentation de la divinité dédicatoire. " (Bulletin de l'Académie du Var - 2010 - Christiane VILLAIN-GANDOSSI). |
Ex-voto
marins, même loin de la Provence !
Ci-dessous, " Situation du Vau (ndlr : vaisseau) le Superbe affalé sur la côte de l'île de Paros (ndlr : île grecque de la mer Égée), le 14 décembre 1833. Il ne fut sauvé d'un magnifique naufrage corps et biens que par une prompte manœuvre de Mr d'Oisonville son bonne amant, il naufragea dans la même journée au mouillage de Peikia, petit port de la même île, à 3 heures 1/2 du soir. Vœux de Icard Honoré et de Jean Bapt. Jomond. " Le "Superbe" était un vaisseau de 74 canons, construit à Anvers, longueur 56 mètres, largeur : 15, équipage 570 marins et fusiliers. Fin en 1833, il doit rejoindre le port de Nauplie en Grèce. Il est alors commandait par le capitaine de vaisseau comte d’Oysonville. La météo était particulièrement mauvaise quand il se présente, la suite extraite de " La France maritime : revue scientifique et littéraire paraissant tous les jeudis - éd 1855 " : |
" Un officier de batterie, surpris
d'entendre manœuvrer sur le pont
quand il a entendu tomber l'ancre de tribord et vu filer sa bitture,
monte en cet instant à la hâte et prévient le commandant que la chaîne
a fait tête à la bitte. L'étonnement du commandant est extrême, il n'a
point donné l'ordre de laisser tomber cette ancre, il voit aussitôt
toute l'horreur de sa position. On ne peut se faire une idée de la confusion qui régna un instant sur ce vaste navire, dans les premiers moments dont fut suivi ce malheur ; il fallut toute l'autorité de l'état-major de la maistrance, et toute l'influence et le sang-froid des vieux marins, pour ramener, sinon le calme, du moins l'ordre ; tous les moyens de sauvetage furent organisés ; le vaisseau était bien défoncé et s'enfonçait bien sous l'eau qui l'envahissait ; mais comme les lames ne le démembraient point, le commandant conserva l'espoir de sauver tout son monde. Ce ne fut que le 16 décembre au soir qu'une barque du pays parvint jusqu'à bord. Son accostement fut le moment d'une scène terrible ; elle ne pouvait prendre qu'une vingtaine d'hommes à la fois ; les marins, exaspérés par vingt-quatre heures d'angoisses, voulurent se précipiter sur ce frêle bateau. Le commandant les arrêta : « Mes amis, leur dit-il, il est un devoir sacré à remplir, abandonnerions-nous nos malades et nos blessés ? Personne de nous ne doit s'embarquer avant eux ! ». L'obéissance la plus sublime répondit à ce peu de mots ; les malades et les mousses débarquèrent sans entraves ; le bateau fit quatre voyages consécutifs, et par lui quatre-vingts hommes furent mis à terre. " On dénombrera que 9 morts. |
Il reste un ex-voto marin dans l'actuelle ND de Consolation
à Costebelle. "
Le jour où nous avons été à Saint-Jacques, vous vous
souvenez que nous avons vu, accrochées aux murs, de belles choses-qu'on
appelle... Il chercha le mot. - Des ex-voto, dit le curé. - C'est ça, des ex-voto. Elles sont consacrées au bon Dieu pour le remercier ou pour le prier de conserver les parents absents. J'y pensais toute la journée et la nuit, même en dormant. Je me dis donc à part moi que si je faisais de mes mains un bateau comme j'en voyais là beaucoup, et que si je l'offrais à Dieu, peut-être ça toucherait-il ce bon Père que nous avons dans le ciel, et qu'alors mon père reviendrait bientôt sans accident. " (La Semaine des familles - extrait de L'ex-voto - Alfred des Essarts - 04/12/1858). |
Et on termine avec l'ex-voto le plus récent de la
collection de la collégiale St Paul : " Avec toute ma reconnaissance à
toi St Joseph. Ghio Philippe le 19 mars 2001. " En 2004, un inventaire du mobilier de la collégiale faisait mention d'un ex-voto brodé datant de juillet 2001. Vous l'avez compris, ne manquez pas de visiter la collégiale Saint-Paul, et d'autres, en attendant ... " Alors que se sont tus cantiques et prières, il y a un chant qui ne cesse de vibrer, exultant comme un hymne de joie. Cependant les oreilles ne le perçoivent pas, mais le cœur l'entend, lui, c'est le chant des ex-voto. " (Lourdes et sa "Dame", Jacqueline du Bual) |
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" En 1940, le paquebot de 18 000 tonnes Meknès, dont j'étais commissaire, avait joué son rôle comme nombre d'autres navires français réquisitionnés ; il avait embarqué les troupes évacuées de Dunkerque, celles revenant de Narvik, le personnel de la Compagnie générale transatlantique du Havre. ... Un jour, vers le 20 juillet 1940, le Meknès reçoit l'ordre de revenir à Southampton et là, se confirme la nouvelle que le navire va servir à ramener des ressortissants français, gens de mer pour la plupart, dans leur pays. Le 24 juillet ... Treize cents (1300) personnes environ sont à bord y compris l'équipage du paquebot. Nous faisons route vers Marseille. La nuit est tombée et il fait beau. ... il est près de 11 (23) heures lorsque nous regagnons nos chambres. Nous sommes encore dans la coursive lorsque nous parvient un bruit caractéristique : tac, tac, tac, tac... des coups bien espacés puis un coup plus fort — boum ! Le navire est attaqué à la mitrailleuse et, à bâbord, par un petit canon. De ma cabine située à tribord j'entends les balles s'écraser contre la coque. Mauvais ! L'assaillant continue de mitrailler ; un hublot vole en miettes. Tout le monde gagne hâtivement les hauteurs. ... ... la mitrailleuse continue de tirer. « Il ne reste plus qu'à nous torpiller, dit quelqu'un, ce sera complet ». A peine a-t-il achevé ces mots qu'une forte secousse ébranle le Meknès ; la torpille d'une vedette rapide allemande qui nous attaquait (on ne le saura que plus tard), nous a touchés de plein fouet à bâbord entre les cales 3 et 4. D'un même mouvement, nous refluons vers l'escalier. Entre l'instant où la torpille frappe le Meknès et celui où le navire sombre, il ne s'écoule que quelques minutes. A peine quelques minutes (quatre selon les uns, huit selon le rapport du commandant) pour évacuer un paquebot où sont embarqués des centaines de passagers, c'est court. Quand je tente de reconstituer ce laps de temps, il me paraît pourtant assez long. Je saisis un bout qui pend le long du bord mais, soit qu'il ne soit pas fixé, soit que mon poids le fasse casser, je tombe à l'eau les pieds les premiers. Après suffocation, je parviens à reprendre haleine. La coque du Meknès, comme une grande muraille, s'enfonce dans la mer ; après avoir ingurgité plusieurs tasses, à moitié asphyxié, je me cramponne à une planche et suis finalement hissé à bord d'une embarcation une heure environ après mon plongeon. Toile
dans la chapelle Bonsecours à Dieppe
Les rescapés qui se trouvaient déjà dans les canots ont pu décrire les derniers moments du paquebot : le navire se dresse hors de l'eau, l'avant pointé vers le ciel. On entend un bruit effrayant : imaginez que vous empoignez un immeuble gigantesque, un gratte-ciel, et que vous t'inclinez : tout ce qui n'est pas solidement fixé est précipité contre les cloisons. Sur le pont une pile de radeaux écrase un groupe de matelots qui s'apprêtent à les mettre à l'eau. A la surface de la mer d'autres radeaux flottent, surchargés d'hommes. La lune émerge, éclairant cette nuit sinistre pleine de cris. L'avant du Meknès se mâte encore plus. C'est la fin du paquebot et nous croyons alors que c'est aussi sans doute la nôtre ; nous trouvant tout près du bâtiment, les remous de l'immersion vont nous aspirer. Quelques instants seulement se sont écoulés depuis l'impact de la torpille et il n'y a plus à la surface de la mer qu'une multitude de pauvres gens en détresse agrippés à des radeaux, à des épaves, à des canots, dont six sur dix sont à flot, chargés au-delà du possible. Dans le nôtre, prévu pour trente-cinq personnes, nous sommes soixante et onze. A l'extrême limite de la flottabilité, le plat-bord est au ras de la mer. A chaque vague, l'eau embarque. Sans cesse, d'autres naufragés s'y accrochent. Nous sommes serrés à tel point qu'il est impossible de faire un geste. Pourtant il faut de toute urgence vider l'eau qui inonde les fonds. Dans cet entassement, quelqu'un réussit à trouver l'écope de l'embarcation. Comment parvenons-nous à nous tasser plus encore pour organiser l'écopage, cela m'apparaît toujours comme un miracle. Un autre tour de force est de mettre en oeuvre une paire d'avirons, retrouver les « dames », les mettre en place, dégager les avirons, les armer, tout cela dans la nuit, en ne pouvant qu'à peine remuer alors que les occupants débordent de toutes parts à l'extérieur du canot et qu'il est impossible, sous peine de couler, d'interrompre un seul instant l'écopage ; l'opération dure une bonne demi-heure. - La terre est là, tout près crie quelqu'un. - Oui, oui, c'est la terre ! Allons-y ! reprennent d'autres voix. Plusieurs croient deviner une côte, à cinq cents mètres ! Ce n'est qu'un nuage posé sur l'horizon et il faut leur faire entendre que la côte est distante d'environ vingt-cinq milles. Ne disposant que d'une seule paire d'avirons, notre unique recours est de tenter de nous maintenir à peu près debout à la lame, afin de ne pas chavirer et de nous alourdir le moins possible d'eau. - Au jour, dis-je, nous serons certainement repérés par des avions anglais. On viendra nous chercher. Et les heures passent, en vérité de tristes heures. Ma position est très inconfortable, presque hors de la lisse de plat-bord, contorsionné, une jambe pliée sous moi, l'autre coincée à l'intérieur ; je sens monter le niveau de l'eau dans le fond du canot. Chaque vague un peu forte nous inonde jusqu'à la poitrine. Nous parvenons à relier autour de notre esquif, grâce à des bretelles ou à des ceintures, ceux qui n'ont pu y trouver place. Je revois encore un pauvre vieux second maître à cheveux blancs, épuisé et que j'ai peine à soutenir ; il regarde l'embarcation avec frayeur : « Ne bougez pas trop, lieutenant, répète-t-il, vous allez tous chavirer et nous serons fichus ! » Par chance la mer n'est pas trop forte. Alentour, tous les canots s'efforcent d'épauler la houle ; ce n'est guère commode, soulevés qu'ils sont comme des chalands inertes, comme des épaves... Soudain l'un de nos rameurs pousse un cri et un silence lourd s'installe à bord : le courant marin qui pousse devant nos lourdes chaloupes quantité d'objets divers fait maintenant défiler des noyés ; ils flottent droits, debout dans l'eau, soutenus aux épaules par leur ceinture de sauvetage, la tête penchée en avant, leurs cheveux flottant sur le front. Chacun pense à part soi que, dans une heure, peut-être flottera-t-il aussi à son tour, comme un errant funèbre, debout dans la mer ; les survivants qui, dans l'eau, s'accrochent au canot, sont frôlés par ces corps auxquels ils sont presque semblables ; ils frissonnent longuement et nous leur prenons les mains pour les réconforter un peu. A mesure que le temps passe, les embarcations s'éloignent les unes des autres ; elles se dispersent de plus en plus et notre solitude se fait pesante. « Si nous coulons, c'est fini. » Le froid déjà saisit les moins résistants, ou ceux qui n'ont pas eu le temps, et la chance, de se vêtir ; ils ne peuvent se retenir de grelotter et de claquer des dents. Quand le ciel blanchit vers l'est, à l'approche de l'aube, plusieurs d'entre eux ont succombé. Une légère brise se lève, glaciale. La mer se creuse un peu ; l'eau monte encore le long de ma jambe. A nouveau chacun se dit que c'en est fini de nous. Pourtant le jour vient et nous flottons toujours, une aurore livide sur une mer déserte ; la côte est visible au nord-est, mais loin, trop loin, pour nous qui n'avons qu'une seule paire d'avirons, et dont les forces sont épuisées. Dans l'eau, d'autres naufragés amarrés au canot sont morts. « S'il faut attendre encore longtemps... » Le soleil se lève, sa chaleur est à peine perceptible et nous sommes glacés. Peu avant sept heures, un matelot debout à l'arrière s'écrie : - Les gars, je vois un bateau ! Une fumée ! Ce qui suit ressemble à ce qu'on a pu lire dans toutes les relations de naufrages. Le navire se précise, nous tremblons qu'il ne nous voie pas, qu'il ne mette pas le cap sur notre canot. - Il faut faire un signal. Les dessins humoristiques montrent souvent des rescapés agitant une chemise au bout d'un aviron. C'est ce que nous tentons de faire mais avec de grands efforts. Les dessinateurs ignorent que le linge mouillé ne peut flotter ; et notre chemise pendouille tristement. Le navire fait toujours route sur nous et, sans cesse, il se trouve quelqu'un pour demander à notre vigie de l'arrière ; — Tu le vois toujours ? — Oui. — Il grossit, il ne change pas de route ? — Non, non, il vient vers nous ! — Tu en es sûr ? — Oui, oui ; je crois que c'est un torpilleur anglais. En nous l'espoir, la vie renaissent, comme une marée puissante. C'est un destroyer, il grandit, grossit, fonce à pleine vitesse avec de belles moustaches d'écume à l'étrave. Il ralentit au dernier moment, stoppe, manœuvre pour virer sur son erre tout contre notre embarcation. Les matelots anglais disposent des échelles le long du bord, étonnés de voir cette épave surchargée, à demi-submergée. Sans mot dire ils nous aident à grimper sur le pont. Titubants, sans force, nous ne sentons plus nos jambes. Le commandant du destroyer, un lieutenant commander, descend de la passerelle et interroge : « D'où venez-vous ? Quand avez-vous appareillé ? » « Les Allemands étaient-ils prévenus de votre sortie ? » Comme je lui réponds ; « Je ne sais pas, mais je le suppose », il me réplique : « En tout cas, moi, je ne l'étais pas. » Au poste d'équipage on distribue de la soupe chaude aux naufragés. Un peu plus tard, remonté sur le pont et appuyé contre la cheminée, j'observe les manœuvres du bâtiment ; trois autres destroyers sont aussi sur les lieux et tous s'activent au sauvetage. Neuf cents naufragés sont repêchés ; quatre cent trente ont trouvé la mort. Ramenés à Weymouth nous sommes transbordés sur des remorqueurs. Lors de l'entrée dans le port toutes les sirènes mugissent soudain : alerte aérienne. Les remorqueurs font demi-tour et il nous faut demeurer encore une heure dans la rade ; les avions passent haut dans le ciel. |
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